Chapitre 12 - Demandes de constat de perte de l'asile

​​​​​ précédent | table des matières | su​ivant

Sur cette page

  1. 12.1. Introduction
  2. 12.2. Cadre législatif
    1. 12.2.1. Réforme du régime de la perte de l’asile – 2012
    2. 12.2.2. Aperçu des dispositions de la LIPR relatives à la perte de l’asile
  3. 12.3. Compétence pour trancher des demandes de constat de perte de l’asile – asile conféré au titre du paragraphe 95(1)
  4. 12.4. Procédure
    1. 12.4.1. Ministre responsable
    2. 12.4.2. Processus de présentation de la demande
    3. 12.4.3. Ordre des interrogatoires
    4. 12.4.4. Langue des procédures
  5. 12.5. Interprétation des motifs
    1. 12.5.1. Fardeau et norme de preuve
    2. 12.5.2. Principes généraux
    3. 12.5.3. Alinéa 108(1)a) – Se réclamer de nouveau de la protection du pays
      1. 12.5.3.1. Volonté
      2. 12.5.3.2. Intention
        1. 12.5.3.2.1. Enfants mineurs
        2. 12.5.3.2.2. Présomption découlant de l’obtention d’un passeport
        3. 12.5.3.2.3. Application de la présomption dans la jurisprudence
      3. 12.5.3.3. Se réclamer de nouveau de la protection du pays
    4. 12.5.4. Alinéa 108(1)b) – Recouvrement volontaire de la nationalité
    5. 12.5.5. Alinéa 108(1)c) – Acquisition d’une nouvelle nationalité
    6. 12.5.6. Alinéa 108(1)d) – Retourner s’établir dans le pays
    7. 12.5.7. Alinéa 108(1)e) – Changement de circonstances
  6. 12.6. Autres questions
    1. 12.6.1. Pouvoir discrétionnaire de déterminer les motifs qui s’appliquent
    2. 12.6.2. Pertinence du risque prospectif
    3. 12.6.3. Pertinence des motifs d’ordre humanitaire
    4. 12.6.4. Abus de procédure et arguments semblables
    5. 12.6.5. Constitutionnalité des dispositions relatives à la perte de l’asile

12. Demandes de constat de perte de l'asile

12.1. Introduction

Le présent chapitre traite des questions que soulèvent les demandes de constat de perte de l’asile présentées par le ministre. Les dispositions relatives à la « perte de l’asile » de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiésNote 1 (la Loi ou LIPR) s’appliquent lorsqu’une personne à qui a été conféré l’asile au Canada cesse d’avoir besoin de cette protection ou lorsque la protection n’est plus justifiéeNote 2 . Un constat de perte de l’asile par la Section de la protection des réfugiés (SPR) est lourd de conséquences pour la personne protégée.

Bien que tous les motifs de perte de l’asile s’appliquent autant à l’instruction des demandes d’asile qu’aux demandes de constat de perte de l’asile présentées par le ministre, le présent chapitre porte surtout sur les demandes que présente le ministre lorsqu’il souhaite que soit révoqué le statut de réfugié accordé à une personne.

12.2 Cadre législatif

12.2.1. Réforme du régime de la perte de l’asile – 2012

Le droit relatif à la perte de l’asile a été considérablement modifié le 15 décembre 2012. En effet, à cette date, la LIPR a été modifiée par la Loi visant à protéger le système d’immigration du CanadaNote 3, ce qui a notamment entraîné l’ajout de l’article 40.1 et de l’alinéa 46(1)c.1) à la LIPR. Bien que ces modifications n’aient pas eu pour effet de modifier les éléments fondamentaux de la perte de l’asile prévus à l’article 108, elles en ont alourdi les conséquences.

Avant l’entrée en vigueur des modifications, la personne protégée ne perdait pas son statut de résident permanent une fois qu’il lui avait été accordé. Les modifications ont changé la situation en ce qui concerne quatre des cinq motifs de perte de l’asile, de sorte que, à l’exception du seul cas indépendant de la volonté de la personne protégée, à savoir lorsque les raisons qui lui ont fait demander l’asile n’existent plus, le résident permanent perd maintenant son statut et devient interdit de territoire à la suite d’un constat de perte de l’asile découlant d’une demande présentée par le ministre.

Les conséquences sur le nombre de demandes de constat de perte de l’asile présentées par le ministre à la SPR ont été immédiates, si bien que la jurisprudence canadienne liée aux demandes de constat de perte de l’asile a été constituée en majeure partie à partir de 2012.

12.2.2. Aperçu des dispositions de la LIPR relatives à la perte de l’asile

Le paragraphe 108(1) de la LIPR énonce cinq motifs de perte de l’asile, tandis que le paragraphe 108(4) prévoit une exception à l’application de l’alinéa 108(1)e) – communément appelée changement de circonstances :

Rejet

108 (1) Est rejetée la demande d’asile et le demandeur n’a pas qualité de réfugié ou de personne à protéger dans tel des cas suivants :

a) il se réclame de nouveau et volontairement de la protection du pays dont il a la nationalité;

b) il recouvre volontairement sa nationalité

c) il acquiert une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays de sa nouvelle nationalité;

d) il retourne volontairement s’établir dans le pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré et en raison duquel il a demandé l’asile au Canada;

e) les raisons qui lui ont fait demander l’asile n’existent plus. […]

Exception (4) L’alinéa (1)e) ne s’applique pas si le demandeur prouve qu’il y a des raisons impérieuses, tenant à des persécutions, à la torture ou à des traitements ou peines antérieurs, de refuser de se réclamer de la protection du pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré.

Suivant le paragraphe 108(2) de la LIPR, le ministre peut demander à la SPR de déclarer la perte de l’asile pour l’un des motifs énoncés au paragraphe 108(1) :

Perte de l’asile

(2) L’asile visé au paragraphe 95(1) est perdu, à la demande du ministre, sur constat par la Section de protection des réfugiés, de tels des faits mentionnés au paragraphe (1).

Lorsqu’il y a constat de perte de l’asile, l’application du paragraphe 40.1(1), de l’alinéa 46(1)c.1) et du paragraphe 108(3) de la LIPR entraîne les conséquences suivantes : (i) la personne protégée est interdite de territoire au CanadaNote 4; (ii) son statut de résident permanent est révoqué; (iii) le constat est assimilé au rejet de la demande d’asile. Autrement dit, la personne devient un étranger interdit de territoire.

Il existe une exception à l’interdiction de territoire et à la perte du statut de résident permanent lorsque la personne protégée est devenue un résident permanent et que le seul motif de la perte de l’asile est celui énoncé à l’alinéa 108(1)e), à savoir que les raisons qui lui ont fait demander l’asile n’existent plus; cette situation est communément appelée « changement de circonstances » :

Perte de l’asile — étranger

40.1 (1) La décision prise, en dernier ressort, au titre du paragraphe 108(2) entraînant la perte de l’asile d’un étranger emporte son interdiction de territoire.

Perte de l’asile — résident permanent

(2) La décision prise, en dernier ressort, au titre du paragraphe 108(2) entraînant, sur constat des faits mentionnés à l’un des alinéas 108(1)a) à d), la perte de l’asile d’un résident permanent emporte son interdiction de territoire.

Résident permanent

46 (1) Emportent perte du statut de résident permanent les faits suivants : … c.1) la décision prise, en dernier ressort, au titre du paragraphe 108(2) entraînant, sur constat des faits mentionnés à l’un des alinéas 108(1)a) à d), la perte de l’asile;

Effet de la décision

108(3) Le constat est assimilé au rejet de la demande d’asile.

Dans RavandiNote 5, la Cour a conclu que l'alinéa 46(1)c.1) ne prévoit pas qu'emporte perte du statut de résident permanent « la décision prise, en dernier ressort, au titre du paragraphe 108(2) entraînant, sur constat des faits mentionnés à l'un des alinéas 108(1)a) à d), la perte de l'asile, sauf si l'alinéa 108(1)e) s'applique également ». La Cour a également déclaré qu'il en va de même de l'interdiction de territoire prévue au paragraphe 40.1 (2). En d'autres termes, la personne protégée perd ce statut et devient interdite de territoire lorsqu'une demande de cessation est accordée en vertu des alinéas a) à d), et ce, peu importe que la demande soit ou non également acceptée en vertu de l'alinéa e).

Enfin, l’alinéa 110(2)e) de la LIPR prévoit que ni le ministre ni la personne protégée visée par une demande de constat de perte de l’asile n’a le droit de porter en appel devant la Section d’appel des réfugiés une décision de la SPR accueillant ou rejetant la demande. Le recours consiste plutôt à présenter une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à la Cour fédérale :

Restriction

110(2) Ne sont pas susceptibles d’appel : […] e) la décision de la Section de la protection des réfugiés accordant ou rejetant la demande du ministre visant la perte de l’asile;

12.3. Compétence pour trancher des demandes de constat de perte de l’asile – asile conféré au titre du paragraphe 95(1)

Le paragraphe 108(2) de la LIPR prévoit que le ministre peut demander à la SPR de déclarer la perte de l’asile « visé au paragraphe 95(1) ». Le paragraphe 95(1)Note 6 prévoit que l’asile peut être conféré par la SPR, par le ministre qui accorde une demande de protection (examen des risques avant renvoi [ERAR]), ou sur constat que la personne est, à la suite d’une demande de visa, un réfugié au sens de la Convention ou « une personne en situation semblable ».

Par conséquent, la SPR a compétence pour rendre des décisions relatives aux demandes de constat de perte de l’asile, non seulement pour ce qui est de l’asile conféré par la SPR à la suite d’une demande d’asile présentée au Canada, mais aussi lorsqu’il s’agit de l’asile conféré par le ministre dans le contexte d’un ERAR ou par un agent des visas à l’étranger.

La signification de l’expression « une personne en situation semblable », à l’alinéa 95(1)a), a été débattue devant les tribunaux. À cet égard, les tribunaux ont examiné la question de savoir si la SPR a compétence pour instruire les demandes de constat de perte de l’asile visant des personnes sélectionnées à l’étranger dans les différentes catégories de réfugiés énoncées dans la partie 8 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiésNote 7 (le Règlement ou RIPR). Plus précisément, les tribunaux ont évalué la compétence de la SPR pour instruire des demandes de constat de perte de l’asile à l’égard des personnes sélectionnées à l’étranger pour devenir des résidents permanents au titre de la « catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontièresNote 8 », de la « catégorie des personnes protégées à titre humanitaire outre-frontièresNote 9 » et de la « catégorie des résidents temporaires protégésNote 10 ».

Dans la décision SiddiquiNote 11, la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur la question de savoir si une personne qui s’est vu accorder le statut de résident permanent au titre de la « catégorie de personnes de pays d’accueil » (maintenant désignée la « catégorie des personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières ») était assujettie aux dispositions de l’article 108 de la LIPR relatives à la perte de l’asile. La Cour a confirmé que lesdites dispositions s’appliquaient dans ces circonstances et que la SPR avait compétence en la matière :

[17] En résumé, l’interprétation de la LIPR amène à la conclusion sans équivoque que les dispositions de l’article 108 relatives à la perte de l’asile s’appliquent à la fois aux réfugiés au sens de la Convention et à la catégorie de personnes de pays d’accueil (programme de réinstallation). L’article 95 confère une protection à la fois aux réfugiés au sens de la Convention et aux membres de la catégorie de personnes de pays d’accueil. Ce qui est perdu, en vertu de l’article 108, est la protection conférée par l’article 95, et le législateur a expressément formulé le libellé de cet article de manière à ce que la perte de l’asile s’applique aux « personnes protégées », sans égard à la manière dont la protection a été obtenue. [Traduction]

Par conséquent, la Cour d’appel fédérale a répondu par l’affirmative à la question certifiée suivante :

[… P]eut-on appliquer les mêmes, ou presque les mêmes, considérations et précédents ainsi que la même analyse sur le plan juridique tant aux personnes qualifiées de réfugiés au sens de la Convention qu’aux personnes déclarées comme ayant besoin d’une protection à titre de membres de la catégorie de personnes de pays d’accueil? [Traduction]

Une conclusion différente a été tirée en ce qui concerne les membres de la famille accompagnant les personnes sélectionnées dans la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières. Dans deux cas, la Cour fédérale a conclu que la SPR n’avait pas compétence pour instruire une demande de constat de perte de l’asile concernant des personnes qui sont devenues des résidents permanents dans la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières à titre de membres de la famille accompagnant le demandeur.

Dans la décision EsfandNote 12, la défenderesse (la personne protégée) est entrée au Canada munie d’un visa de résident permanent au titre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre frontières, à titre de membre de la famille accompagnant son époux. La Cour a souligné que, suivant le Règlement, un membre de la famille est considéré comme appartenant à la même catégorie que l’étranger qui s’est vu reconnaître la qualité de réfugié au sens de la Convention, sans que les risques auxquels il est exposé ne fassent l’objet d’une évaluation indépendante. Par conséquent, la défenderesse ne s’était jamais vu « reconnaître » la qualité de réfugié au sens de la Convention et il est « insensé » qu’elle subisse des conséquences négatives du fait d’avoir séjourné en Iran, où elle n’a jamais prétendu être exposée à des risques.

Devant des faits semblables, la Cour en est arrivée à la même conclusion dans la décision GezikNote 13. Dans les deux affaires, la Cour a certifié une question de portée générale à cet égard, mais ni l’une ni l’autre n’a été portée en appel devant la Cour d’appel fédérale.

Dans l'arrêt CamayoNote 14, la personne protégée a soutenu que les principes énoncés dans les affaires Esfand et Gezik devraient s'appliquer à une personne à qui la SSR a accordé la protection du statut de réfugié en 2010 alors qu'elle était mineure et ignorait pourquoi sa famille était venue au Canada pour demander l'asile. La Cour a rejeté cet argument, estimant que, bien que le régime de la LIPR et du RIPR puisse être plus clair en ce qui concerne les demandes d'asile présentées dans un bureau intérieur par des membres de la famille, la personne protégée tombait sous le coup de l'alinéa 95(1)b), et par conséquent, la SPR a compétence pour mettre fin à son statut de personne protégée. La Cour a établi une distinction entre les demandes présentées dans un bureau intérieur et la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières, car une évaluation individuelle des risques est effectuée pour chaque demandeur pour les demandes présentées dans un bureau intérieur. La Cour a certifié une question d'importance générale qui, au moment de la rédaction du présent document, est pendante devant la Cour d'appel fédérale.Note 15

12.4. Procédure​

12.4.1. Ministre responsable

Suivant le paragraphe 4(1) de la LIPR, le ministre de la Citoyenneté et de l’ImmigrationNote 16 est chargé de l’application de la Loi, sauf disposition contraire énoncée à l’article 4. Étant donné que l’article 4 ne prévoit pas qu’un autre ministre est responsable des demandes au titre de l’article 108, et étant donné que le gouverneur en conseil n’a pas pris de décret suivant le paragraphe 4(3) pour désigner un autre ministre aux fins de l’application du paragraphe 108(2), le ministre chargé de présenter les demandes de constat de perte de l’asile est le ministre de la Citoyenneté et de l’ImmigrationNote 17 .

12.4.2. Processus de présentation de la demande

Le processus de présentation d’une demande est énoncé dans les Règles de la Section de la protection des réfugiésNote 18 (les Règles de la SPR).

Selon l’article 64 des Règles de la SPR, une demande de constat de perte de l’asile doit être faite par écrit et doit inclure les renseignements suivants :

  • les coordonnées de la personne protégée et de son conseil, le cas échéant;
  • le numéro d’identification que le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration a attribué à la personne protégée;
  • la date et le numéro de dossier de la décision de la Section touchant la personne protégée, le cas échéant;
  • dans le cas de la personne dont la demande de protection a été acceptée à l’étranger, son numéro du dossier, une copie de la décision et le lieu où se trouve le bureau qui l’a rendue;
  • la décision recherchée;
  • les motifs pour lesquels la Section devrait rendre cette décision.

Suivant le paragraphe 64(3) des Règles de la SPR, le ministre doit transmettre une copie de la demande à la personne protégée et transmettre l’original de la demande à la Section, accompagné d’une déclaration écrite indiquant à quel moment et de quelle façon la copie de la demande a été transmise à la personne protégée. Si la personne protégée n’est plus au Canada, le ministre peut être autorisé à lui signifier la demande à une adresse à l’extérieur du Canada, et la personne peut participer à la procédure par téléphone ou par d’autres moyens appropriésNote 19 .

Dans certaines circonstances, il se peut que le ministre ne parvienne pas à trouver la personne protégée pour lui signifier une copie de la demande. Dans un tel cas, le ministre doit présenter une demande au titre de la règle 40 des Règles de la SPR pour obtenir l’autorisation de transmettre le document par un autre moyen ou d’être dispensé de la transmission. Cette règle prévoit également que la SPR ne peut accueillir la demande que si elle est convaincue que le ministre a fait des efforts raisonnables pour transmettre le document à son destinataire. Pour trancher de telles demandes au titre de la règle 40 des Règles de la SPR, la SPR tient compte de facteurs tels que les efforts du ministre pour fouiller les bases de données sur Internet, les recherches dans la base de données du Centre d’information de la police canadienne, l’envoi d’agents à la dernière adresse connue, les tentatives pour joindre la personne protégée au dernier numéro de téléphone connu, ainsi que la qualité des éléments de preuve présentés par le ministre pour établir le bien-fondé de la demande de constat de perte de l’asileNote 20.

Une fois que la demande a été transmise à la personne protégée, suivant la règle 12 des Règles de la SPR, il incombe à cette personne d’aviser la Section et le ministre de tout changement de ses coordonnées ou des coordonnées de son conseil. Cette obligation a été examinée dans PerezNote 21. La SPR a procédé in absentia lorsque la personne protégée ne s'est pas présentée à son audience. Le défendeur a affirmé qu'il avait déménagé et qu'il n'avait pas reçu l'avis de convocation. La Cour a conclu que la SPR n'avait aucune obligation de mener une enquête approfondie pour localiser la personne protégée. Cependant, la Cour a annulé la décision parce que la personne protégée a affirmé avoir laissé un message vocal à la SPR avec sa nouvelle adresse et son nouveau numéro de téléphone, et IRCC a utilisé ce numéro de téléphone mis à jour pour le contacter en 2019 après que la demande a été acceptée. Il n’y avait aucune preuve de la façon dont IRCC aurait obtenu ce numéro de téléphone mis à jour s’il n’avait pas été fourni par la personne protégée. Par conséquent, dans les circonstances particulières de l'affaire, et en accordant le bénéfice du doute à la personne protégée, il semble que le numéro de téléphone ait été enregistré sous une forme et d'une manière auxquelles la SPR aurait pu accéder, de sorte que la personne protégée aurait pu être contactée. Dans ces circonstances, il était inéquitable sur le plan procédural de procéder in absentia.

12.4.3. Ordre des interrogatoires

Le paragraphe 10(4) des Règles de la SPR prévoit que, à l’audience relative à une demande de constat de perte de l’asile, tout témoin, y compris la personne protégée, est d’abord interrogé par le conseil du ministre, ensuite par le commissaire qui préside l’audience, puis par le conseil de la personne protégée. Suivant le paragraphe 10(5), l’ordre des interrogatoires peut être modifié en cas de circonstances exceptionnelles, notamment si le changement est nécessaire pour accommoder une personne vulnérable.

12.4.4. Langue des procédures

La règle 18 des Règles de la SPR dispose que le ministre doit présenter la demande de constat de perte de l’asile dans la même langue que celle utilisée dans les procédures initiales relatives à la demande d’asile. La personne protégée peut par la suite changer la langue des procédures au moyen d’un avis écrit, qui doit être reçu au plus tard dix jours avant la date fixée pour la prochaine procédure.

12.5. Interprétation des motifs​

12.5.1. Fardeau et norme de preuve

Dans une demande de constat de perte de l’asile, le fardeau de la preuve incombe au ministre et la norme applicable est celle de la prépondérance des probabilitésNote 22. La Cour a également conclu qu'il n'y a pas de droit à l'assistance d'un avocat lorsqu'un demandeur d'asile est convoqué à une entrevue avant le début de la procédure de cessation. C'est donc une erreur d'exclure des éléments de preuve fondés sur une violation du droit à l'assistance d'un avocat dans de telles circonstancesNote 23.

12.5.2. Principes généraux

Les paragraphes 111 à 116 du Guide du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiésNote 24 contiennent des lignes directrices générales sur l’interprétation des clauses de cessation qui ont été citées dans la jurisprudence canadienne.

En particulier, au paragraphe 111, le HCR explique la raison d’être des clauses de cessation, à savoir que la protection internationale ne doit pas être accordée lorsqu’elle n’est plus nécessaire ou qu’elle ne se justifie plus. Toutefois, au paragraphe 112, il met en garde contre une application trop large des clauses de cessation, parce que les réfugiés doivent avoir l’assurance que leur statut ne sera pas constamment remis en question.

Les paragraphes 113 à 115 énoncent les clauses de cessation en faisant référence à la section C de l’article premier de la Convention de 1951.

Au paragraphe 116 du Guide, il est mentionné que l’énumération des clauses de cessation est exhaustive et que ces clauses « doivent donc s’interpréter de manière restrictive ».

Dans la décision BashirNote 25 , la Cour fédérale a cité et approuvé ces principes d’interprétation et a appliqué l’approche « restrictive » quand elle a rejeté l’interprétation plus large avancée par le ministre touchant la présomption qui découle de l’obtention d’un passeport du pays de persécutionNote 26 . De même, dans la décision GezikNote 27, la Cour a déclaré qu’elle appliquait « [l’]interprétation restrictive et équilibrée » qui devrait être adoptée lorsqu’il s’agit d’interpréter les clauses de cessation.

12.5.3. Alinéa 108(1)a) – Se réclamer de nouveau de la protection du paysNote 28

L’alinéa 108(1)a) de la LIPR prévoit, en fait, que l’asile d’une personne protégée prend fin si elle « se réclame de nouveau et volontairement de la protection du pays dont [elle] a la nationalité ». Ce motif de perte de l’asile est celui qui est le plus souvent invoqué dans les demandes de constat de perte de l’asile; par conséquent, la majeure partie de la jurisprudence canadienne portant sur la perte de l’asile a trait à cette disposition.

Dans la décision KuochNote 29 , la Cour a affirmé que le Guide du HCR, bien qu’il ne la lie pas officiellement, comporte des directives faisant autorité quant à l’interprétation de l’expression « se réclamer de nouveau de la protection du pays ». En général, la jurisprudence canadienne a adopté le cadre d’analyse énoncé au paragraphe 119 du Guide du HCR pour établir si une personne s’est réclamée de nouveau de la protection du pays :

119. L’application de cette clause de cessation suppose la réalisation de trois conditions :

  1. la volonté : le réfugié doit avoir agi volontairement;
  2. l’intention : le réfugié doit avoir accompli intentionnellement l’acte par lequel il s’est réclamé à nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité;
  3. le succès de l’action : le réfugié doit avoir effectivement obtenu cette protection.

Dans la décision BashirNote 30, la Cour a confirmé que les trois conditions sont cumulatives, de sorte que, dans cette affaire, une fois que la SPR a conclu que la personne protégée n’avait pas l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité, le refus d’examiner la troisième condition – avoir effectivement obtenu la protection du pays – avant de rejeter la demande du ministre ne constituait pas une erreur. Toutefois, pour qu’une demande au titre de l’alinéa 108(1)a) soit accueillie, le ministre doit s’acquitter du fardeau qui lui incombe d’établir les trois conditions.

De plus, la Cour a constaté que l’analyse de la SPR doit tenir compte de tous les faits et de tous les éléments de preuve dont la SPR a été saisie, y compris la chronologie des événements, qui, combinés, permettent de conclure que la personne s’est de nouveau réclamée de la protection de son paysNote 31.

Voici une analyse des trois conditions. Bien que chacune ait été décrite sous une rubrique distincte aux fins du présent chapitre, l’analyse de la jurisprudence ne fait pas toujours une distinction claire. En particulier, la question de savoir si une personne avait ou non l’intention de se réclamer à nouveau de la protection du pays et si elle a effectivement obtenu la protection du pays revient parfois à une seule analyse.

12.5.3.1. Volonté

Le paragraphe 120 du Guide du HCR donne des exemples de situations où l’on peut considérer qu’un réfugié n’a pas agi volontairement, par exemple lorsque le demandeur d’asile doit, à la demande du pays d’accueil, demander la délivrance d’un passeport, ou lorsqu’il est nécessaire d’intenter certains recours juridiques, comme une procédure de divorce.

Dans l’arrêt El KaissiNote 32, la Cour a suggéré que le fait de se réclamer à nouveau de la protection du pays ne devrait pas être considérée comme volontaire lorsque le demandeur est contraint de retourner au pays pour « des raisons qui apparemment ne dépendent pas de sa volonté», cependant, le retour en vacances ou pour enquêter sur une opportunité commerciale semble être volontaire.

Dans la décision BashirNote 33, la Cour a confirmé que, en ce qui concerne les conditions de la volonté et de l’intention, la même matrice factuelle peut avoir une incidence différente selon la condition qui est évaluée. Autrement dit, « le fait que l’intimé a volontairement demandé le renouvellement de son passeport pakistanais ne veut pas nécessairement dire que, ce faisant, il avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du Pakistan ». Dans cette affaire, la SPR a conclu que M. Bashir, la personne protégée, était crédible lorsqu’il a déclaré qu’il croyait qu’il devait détenir un passeport aux fins de sa demande de résidence permanente, même s’il se trompait. Par conséquent, la conclusion de la SPR selon laquelle il avait agi volontairement était raisonnable. Toutefois, la Cour a également confirmé la conclusion de la SPR selon laquelle la personne protégée n’avait pas l’intention de se réclamer à nouveau de la protection et a déclaré ceci : « il est difficile de voir comment le renouvellement d’un passeport national en vue de le présenter à CIC pour conclure le processus d’acquisition du statut de résident permanent peut être considéré comme indiquant une intention de la part du défendeur de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalitéNote 34».

Dans la décision MayellNote 35, bien que la Cour ait annulé la décision pour d’autres motifs, elle a jugé raisonnable la conclusion de la SPR selon laquelle M. Mayell, la personne protégée, s’était volontairement procuré un passeport. Dans son témoignage, il a déclaré que l’obtention de son passeport afghan était une situation indépendante de sa volonté, parce qu’il voulait utiliser sa carte de résident permanent pour se rendre en Afghanistan pour se marier, mais qu’il ne pouvait pas l’utiliser à cette fin. La conclusion de la SPR selon laquelle d’autres arrangements étaient possibles, comme se marier dans un lieu tiers ou se marier par procuration, était raisonnable en l’absence d’éléments de preuve du contraire.

Dans la décision AbechkhrishviliNote 36, la personne protégée a fait valoir que, en raison de son état mental, elle n'agissait pas de manière rationnelle et n'entendait donc pas volontairement se réclamer à nouveau de la protection de la Géorgie. La Cour a convenu avec la SPR que le comportement de la personne protégée n’était ni irrationnel ni illogique et que le trouble d’anxiété diagnostiqué n’était pas suffisant pour démontrer qu’elle avait agi contre son gré. Ses projets bien pensés et son séjour prolongé en Géorgie à deux reprises ont suggéré que ses voyages étaient intentionnels et planifiés.

Dans la décision StarovicNote 37, la personne protégée est retournée dans son pays de nationalité, la Serbie, parce que son époux avait subi une crise cardiaque, et elle y est demeurée plusieurs années. La Cour a déclaré que, même si son retour initial, lorsque son époux a subi une crise cardiaque, ne pouvait pas être considéré comme un retour volontaire, son séjour prolongé en Serbie par la suite peut être considéré comme étant volontaire.

Dans l’affaire CamayoNote 38, la Cour a conclu qu'il était raisonnable pour la SPR de conclure que la personne protégée n'avait pas obtenu son passeport volontairement lorsqu'elle était mineure, mais que son utilisation subséquente des passeports pour voyager après l'âge de 18 ans était quant à elle volontaire. Elle a fait des voyages pour s'occuper de son père malade, bien qu'il ait le statut de résident permanent au Canada. De plus, bien que ses visites pour effectuer des travaux humanitaires aient été honorables, elles ont été effectuées de son propre chef et de son plein gré. Cependant, la Cour a annulé la décision de la SPR pour d'autres raisons.

12.5.3.2. Intention

Dans de nombreuses demandes de constat de perte de l’asile, la principale question à trancher est celle de savoir si la personne protégée avait ou non l’intention de se réclamer à nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité. Il s’agit souvent de savoir si la personne protégée a réfuté ou non la présomption d’intention de se réclamer à nouveau de la protection du pays, présomption qui s’applique si la personne s’est procurée un passeport de son pays de nationalité. Elle est expliquée plus en détail ci-après.

12.5.3.2.1. Enfants mineurs

Dans la décision CadenaNote 39 , la Cour a soulevé la question de savoir si un jeune enfant pouvait avoir l’intention requise de se réclamer de nouveau de la protection au sens de l’alinéa 108(1)a). Toutefois, selon les faits de l’affaire, la Cour a conclu que rien ne démontrait que le mineur, qui avait 11 ans à la date de la procédure relative à la perte de l’asile, avait une intention différente de celle de sa mère.

Dans la décision Andrade, la Cour a confirmé que la SPR aurait dû se demander s’il n’était pas nécessaire de faire témoigner la personne protégée, qui était un mineur de 17 ans au moment de l’audience relative à la perte de l’asile, puisqu’il « avait certainement acquis la capacité de se former et d’exprimer une opinion quant à son intention de se réclamer de nouveau de la protection de son pays […]Note 40 ».

Dans l’affaire CamayoNote 41, la Cour a conclu qu'il était raisonnable pour la SPR de conclure que la personne protégée n'avait pas acquis son passeport volontairement lorsqu'elle était mineure.

12.5.3.2.2. Présomption découlant de l’obtention d’un passeport

Pour établir si la personne protégée avait ou non l’intention de se réclamer à nouveau de la protection du pays, les tribunaux canadiens ont appliqué la présomption énoncée au paragraphe 121 du Guide du HCR :

Si un réfugié demande et obtient un passeport national ou le renouvellement de ce passeport, il sera présumé, en l’absence de preuves contraires, avoir voulu se réclamer à nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité.

Dans la décision LiNote 42, la Cour fédérale a décrit la présomption comme étant une « présomption factuelle » qui fonctionne de sorte qu’il est loisible au ministre de se fonder sur cette présomption en établissant que le réfugié a obtenu ou renouvelé un passeport de son pays d’origine. Une fois que cela a été établi, il incombe au réfugié de montrer qu’il ne cherchait pas réellement à se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la décision CadenaNote 43 , les personnes protégées sont retournées au Mexique et ont demandé un passeport dans ce pays; la Cour a conclu que la présomption ne s’appliquait pas, car elle s’appliquait seulement lorsque la demande était faite hors du pays de nationalité. Toutefois, dans cette affaire, la Cour a confirmé le constat de perte de l’asile tiré par la SPR à l’égard des personnes protégées.

12.5.3.2.3. Application de la présomption dans la jurisprudence

La question de savoir si une personne protégée a réfuté ou non la présomption d’intention de se réclamer à nouveau de la protection du pays lorsqu’elle obtient un passeport de son pays de nationalité dépend des circonstances de chaque affaire. Les raisons pour lesquelles la personne a obtenu un passeport et la question de savoir si et comment elle l’a utilisé sont des facteurs pertinents.

Voici des exemples illustrant la façon dont la question de la présomption a été analysée dans la jurisprudence.

1) Exemples où la présomption n’a pas été réfutée

Dans la décision MaqboolNote 44 , la Cour a conclu que la personne protégée avait forcément l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de son pays en sollicitant un passeport auprès des autorités pakistanaises, car un titre de voyage canadien ne lui aurait pas permis de retourner dans son pays d’origine. La Cour a souligné que cette personne avait la possibilité de se prévaloir d’autres titres de voyage internationaux, tels que le Titre de voyage pour réfugiés, pour aller n’importe où dans le monde à partir du Canada, sauf au Pakistan.

Dans la décision Maqbool, la Cour a également rejeté l’argument selon lequel l’alinéa 108(1)a) ne s’applique pas aux personnes qui ont obtenu une forme durable de protection, comme le statut de résident permanent du CanadaNote 45 .

Dans la décision Abadi, la Cour a fait valoir que, lorsque la personne est retournée dans son pays de nationalité, la présomption est « particulièrement forte », et que « c’est seulement “dans certaines circonstances exceptionnelles” que le fait pour le réfugié de se rendre dans le pays de sa nationalité sous le couvert d’un passeport délivré par ce même pays n’entraînera pas la perte de son statut de réfugié; voir le Guide relatif aux réfugiés, au paragraphe 124Note 46 ». Dans cette affaire, le demandeur d’asile, un citoyen de l’Iran, est arrivé au Canada en 1996, à l’âge de 12 ans, et il a obtenu le statut de réfugié en 1999. Il est retourné en Iran au moyen d’un passeport iranien à deux reprises, soit pour assister à un mariage et pour rendre visite à son père âgé, et il y est demeuré environ trois mois au total. La Cour a confirmé qu’il était raisonnable pour la SPR d’avoir conclu qu’il s’était réclamé à nouveau de la protection diplomatique de l’Iran en se procurant un passeport iranien et en l’utilisant pour s’y rendre, via d’autres pays, à deux reprises.

Dans la décision AbadiNote 47 , la Cour a également rejeté l’argument selon lequel M. Shamsi, la personne protégée, croyait que, puisqu’il était résident permanent, il bénéficiait de la sécurité afférente à son statut de résident permanent du Canada. Le Cour a déclaré que le statut de résident permanent de la personne protégée peut être pertinent à l’égard de l’alinéa 108(1)d) (retourner s’établir dans le pays), mais qu’il n’en demeure pas moins que M. Shamsi s’est réclamé à nouveau de la protection de son pays de nationalité en s’y rendant.

Dans la décision LiNote 48 , la SPR avait accueilli une demande de constat de perte de l’asile visant un citoyen de la Chine qui avait obtenu le statut de réfugié en 1990. Depuis, il s’était rendu en Chine à 13 occasions et y avait fait de longs séjours, pour diverses raisons, notamment pour un mariage et pour affaires. La Cour a jugé raisonnable la décision de la SPR, et en particulier son raisonnement selon lequel le défaut de M. Li de présenter une demande de citoyenneté canadienne démontrait son intention de se réclamer à nouveau de la protection de la Chine plutôt que de celle du Canada. Elle a ajouté que la Commission avait raisonnablement rejeté son explication concernant son défaut de présenter une demande de citoyenneté, à savoir qu’il était trop occupé.

Dans la décision NorouziNote 49 , la personne protégée était un citoyen de l’Iran. Celui-ci est arrivé au Canada en 2001 et a obtenu le statut de réfugié peu de temps après. De 2003 à 2007, il est retourné en Iran sept fois, pour une durée totale d’environ 18 mois. La SPR a accepté le fait que sa mère était malade, mais elle a conclu que l’état de santé de sa mère ne justifiait pas le nombre et la durée des voyages en Iran, d’autant plus qu’il y avait d’autres membres de la famille en Iran qui pouvaient prendre soin de sa mère. Par conséquent, la présomption n’a pas été réfutée. La Cour a confirmé la décision et a déclaré que la SPR avait dûment procédé à une analyse contextuelle.

Dans la décision TungNote 50, la personne protégée était devenue résidente permanente en 2004 et avait présenté une demande de passeport chinois un mois plus tard. Elle a utilisé ce passeport pour se rendre en Chine à 12 reprises, pendant au moins un mois chaque fois. Elle a déclaré que le but de ses séjours était de s’occuper de sa mère qui était malade et d’aider son époux qui était incarcéré. La Cour fédérale a jugé raisonnable la décision de la SPR selon laquelle la personne protégée n’avait pas réfuté la présomption. Rien ne démontrait que sa présence en Chine était nécessaire, car d’autres membres de sa famille étaient là pour prendre soin de sa mère qui était malade et aider son époux, ce qu’ils ont d’ailleurs fait pendant qu’elle n’y était pas.

Dans un cas similaire, JingNote 51, la Cour a jugé qu’il était raisonnable que la SPR conclue que la personne protégée n’avait pas réfuté la présomption selon laquelle qu’il avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de son pays. Il a affirmé qu'il était revenu s'occuper de ses parents malades, mais le tribunal a noté que d'autres frères et soeurs étaient présents en Chine pour s'occuper d'eux. La Cour a également tenu compte de la durée de deux voyages sur trois en Chine (deux mois chacun) et du fait que la personne protégée s'était rendue dans d'autres pays en vacances avec son passeport chinois.

Dans l’affaire SabuncuNote 52, les personnes protégées ont retourné plusieurs fois en Turquie pour recevoir des traitements de fertilité. Ils avaient reçu de tels traitements au Canada mais ont déclaré qu'ils ne pouvaient plus les payer. La SPR a fait droit à la demande de perte d’asile, estimant que, bien que leur désir de fonder une famille soit raisonnable et qu'ils aient le droit de poursuivre des traitements de fertilité à l'extérieur du Canada, contrairement à la situation d’un réfugié qui retourne dans son pays d’origine pour rendre visite à un parent mourant, des traitements de fertilité ne sont pas exclusifs à la Turquie. La SPR a conclu que le « coût et la langue ne justifient pas le risque de se réclamer de nouveau de la protection de l’État ». La Cour a conclu que la décision de la SPR était raisonnable.

Dans l'affaire AbechkhrishviliNote 53, la Cour fédérale a distingué Bashir parce que la personne protégée avait utilisé son passeport pour retourner dans son pays. La personne protégée a fait valoir que, la SPR ayant accepté qu'elle ait obtenu un passeport géorgien en pensant à tort qu'elle en avait besoin pour obtenir son statut de résident permanent, il n'était pas raisonnable de conclure qu'elle avait l'intention requise pour se réclamer à nouveau de la protection des autorités géorgiennes. La Cour a déclaré que « le problème que pose ce raisonnement est que la demanderesse a omis de faire la distinction entre le fait d'obtenir son passeport et le fait de l'utiliser pour retourner en Géorgie. Même si, à l'origine, son intention était d'obtenir son passeport en vue de présenter une demande de résidence permanente, la preuve démontre qu'elle a utilisé ce passeport pour se rendre en Géorgie à deux reprises.Note 54 »

Dans l’arrêt OkojieNote 55, la personne protégée a fait valoir que la SPR n'avait pas tenu compte du fait que son agent de persécution était un acteur non étatique et que cela était un facteur pertinent à prendre en considération lors de l'examen de son intention. La Cour a rejeté cet argument, estimant que les motifs​ de la SPR démontraient qu’elle savait que l'agent de persécution était un acteur non étatique. En se procurant des passeports nigérians et en retournant plusieurs fois au Nigéria, la demandeure a reconnu par ses actes qu’elle avait confiance en la capacité du gouvernement du Nigéria de la protéger. Autrement dit, à travers ses gestes, la demandeure a reconnu qu’elle bénéficiait désormais d’une protection de l’État adéquate contre les préjudices que pouvait lui faire subir un agent de persécution non étatique. Elle a démontré qu’elle n’était plus réticente à se réclamer de la protection de son pays de nationalité ou qu’elle n’était plus dans l’incapacité de le faire.

Dans l’arrêt ChokheliNote 56, la Cour a conclu qu'il était raisonnable pour la SPR de conclure que la personne protégée n'avait pas réfuté la présomption parce qu'elle n'était pas contrainte par des circonstances exceptionnelles de retourner en Géorgie. Le défendeur a déclaré qu'il était revenu trois fois pour soigner son père malade. La SPR a conclu qu'il n'était pas obligé de retourner en Géorgie parce que sa sœur se trouvait en Géorgie et pouvait aider son père, et qu’il aurait pu lui fournir un soutien financier. Le facteur le plus important indiquant que le défendeur n'était pas obligé de rentrer, cependant, était le fait qu’il avait témoigné qu'il ne serait pas retourné en Géorgie si son agent de persécution n'avait pas été emprisonné.

Dans l’arrêt Al-HabibNote 57, le défendeur [la personne protégée] a affirmé être retourné au Tchad pour soigner sa mère malade et l'aider à se faire soigner en Égypte. La Cour a conclu qu’il était raisonnable pour la SPR de conclure que la motivation principale du défendeur d’aller au Tchad n’était pas pour prendre soin de sa mère, et ce, pour les raisons suivantes : d’autres membres de sa famille pouvaient prendre soin d’elle ; il n’a pas gardé un profil bas pendant son séjour ; il n’a pas mentionné à l’Agence des services frontaliers du Canada être allé au Tchad pour aider sa mère, mais a plutôt affirmé y être allé pour visiter sa femme et son fils ; et le visa égyptien de sa mère indiquait qu’elle n’y est allée qu’en mai 2015 sans explication pour laquelle la personne protégée a voyagé au Tchad six mois avant, soit en décembre 2014.

​2) Exemples de cas où la présomption a été réfutée et de cas où la décision de la SPR a été renvoyée pour un nouvel examen

Dans l’affaire CamayoNote 58, la personne protégée a acquis des passeports colombiens lorsqu'elle était mineure mais les a utilisés pour se rendre en Colombie après être devenue adulte. La SPR a accueilli la demande de perte d’asile du ministre, concluant que tous les éléments du paragraphe 108(1)a) étaient satisfaits. La Cour a examiné la jurisprudence en matière d'intention et a noté que « plusieurs décisions de la Cour dans le domaine de la perte de l’asile semblent se contredire».Note 59 Dans ce cas, il n'y a aucune preuve quant à l'intention, le cas échéant, que la personne protégée a formée à l'âge adulte; rien n'indiquait non plus qu’elle était au courant de la modification de la loi qui avait affecté son statut de résidente permanente. En conséquence, la SPR a commis une erreur en concluant que le fait d'utiliser le passeport était, en soi, suffisant pour démontrer que la personne protégée avait l'intention requise. La Cour a annulé la décision, a certifié trois questions d'importance généraleNote 60 et a déclaré:

[51] Mme Galindo Camayo était mineure lorsque sa mère a renouvelé son passeport pour la première fois; le passeport a ensuite été renouvelé involontairement lorsqu’elle a eu 18 ans, car les autorités colombiennes l’exigeaient, sans quoi elle n’aurait pas pu quitter le pays. Aucun élément de preuve ne montre que Mme Galindo Camayo avait une quelconque intention en tant qu’adulte lorsqu’elle a continué de faire des voyages, comme elle le faisait alors qu’elle était mineure. Rien ne prouve non plus qu’elle était consciente des modifications législatives qui ont fait en sorte que ses habitudes de voyage compromettaient son statut de personne protégée au Canada; il s’agit d’un facteur qui pourrait refléter sa crainte subjective et objective et qui doit être examiné dans ce contexte. Par conséquent, je conviens que la SPR a conclu de manière déraisonnable que « l’ignorance de la loi n’est pas un argument valide » en ce qui concerne la question de savoir si une personne visée par une procédure relative à la perte de l’asile pourrait manifester l’intention requise sans en connaître les conséquences.

[52] Comme il a été mentionné plus haut, l’intention, dans le contexte d’une procédure relative à la perte de l’asile, ne peut être fondée uniquement sur l’intention de la personne d’accomplir l’acte en question; il faut également qu’elle comprenne les conséquences de son acte : Cerna, précitée, aux para 19-20. De plus, je juge que rien ne justifie la conclusion de la SPR, dans le cas de Mme Galindo Camayo, selon laquelle une adulte instruite et avertie aurait pu demander des renseignements sur les conditions à remplir pour maintenir son statut au Canada. Ce n’est qu’au moment où le ministre a présenté la demande de constat de perte de l’asile, après la mise en œuvre de la LPSIC, que Mme Galindo Camayo a pris conscience des graves conséquences de ses actes, qu’elle a demandé un avis juridique, qu’elle a obtenu un titre de voyage pour réfugié et qu’elle a cessé ses voyages en Colombie, ce qui témoigne de son intention à l’égard de la possibilité de se réclamer de nouveau de la protection de la Colombie. Je souligne également que sa crédibilité n’était pas en cause.

[53] En outre, je note que la SPR a déclaré que Mme Galindo Camayo « en savait assez [sur son exposition potentielle à des préjudices ou à des menaces] pour demander à des agents d’une entreprise de sécurité privée de l’accompagner lorsqu’elle est retournée en Colombie, ce qui signifie qu’elle connaissait les dangers associés au fait de se rendre en Colombie ». Cependant, je conviens que la SPR ne s’est pas penchée sur la question de savoir si cela voulait dire que Mme Galindo Camayo pensait que l’État ne pouvait toujours pas la protéger – une question liée directement à l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays de nationalité : Peiqrishvili, précitée, aux para 17-24; Yuan, précitée, au para 35. La SPR avait la possibilité de rejeter ces mesures au motif qu’elles étaient insuffisantes. Toutefois, en ne les examinant pas dans leur contexte, et en mettant plutôt l’accent sur la question de savoir si Mme Galindo Camayo aurait dû connaître le danger plutôt que sur celles de savoir si elle connaissait la possibilité et les conséquences de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité et si elle l’a tout de même fait, la SPR passe à côté de l’essentiel [de la preuve de la demanderesse, qui, prise en considération dans son ensemble, visait à démontrer qu’elle n’avait pas l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité], ce qui est, à mon avis, déraisonnable : Din, précitée, au para 39.

Dans la décision CernaNote 61, M. Cerna, la personne protégée, a obtenu le statut de réfugié en 2009 parce qu’il craignait d’être persécuté au Pérou du fait de son orientation sexuelle. Il a renouvelé son passeport péruvien à deux reprises et s’est rendu au Pérou plusieurs fois; la durée de ses séjours variait de deux à sept semaines. La SPR a accueilli la demande du ministre. La Cour fédérale a annulé la décision, ayant conclu que la SPR n’avait pas tenu compte du fait que M. Cerna croyait jouir de la sécurité découlant de son statut de résident permanent au Canada. La SPR aurait dû se demander si les éléments de preuve relatifs à la compréhension subjective de M. Cerna quant aux avantages découlant de son statut de résident permanent réfutaient la présomption selon laquelle il avait eu l’intention d’obtenir la protection du Pérou. Toutefois, cette décision doit être interprétée à la lumière des décisions Maqbool et Abadi décrites dans la section précédente, dans lesquelles la Cour a rejeté des arguments semblables fondés sur le statut de résident permanent de la personne protégée.

Dans la décision MayellNote 62, la personne protégée était un citoyen de l’Afghanistan qui avait obtenu le statut de réfugié en 2003. Il a obtenu un passeport afghan en 2012 et s’en est servi pour se rendre en Afghanistan quatre fois entre 2012 et 2015. Il a fait ses voyages pour se marier, rendre visite à son épouse et assister aux funérailles de son beau-père. Dans son témoignage, il a affirmé que son avocat lui avait dit qu’il serait « acceptable » d’obtenir un passeport et de retourner en Afghanistan. La Cour a conclu que, d’après le dossier, il était évident que, si M. Mayell avait été bien conseillé, il ne se serait pas procuré un passeport et ne serait pas allé en Afghanistan. La SPR aurait dû examiner si la preuve relative à la compréhension subjective par M. Mayell de sa capacité à obtenir et à utiliser un passeport pour voyager en Afghanistan sans compromettre son statut au Canada réfutait la présomption selon laquelle il avait l’intention de réclamer la protection de l’Afghanistan.

Dans la décision BashirNote 63, la SPR a rejeté la demande de constat de perte de l’asile présentée par le ministre. M. Bashir, la personne protégée, avait renouvelé son passeport pakistanais à trois reprises dans l’espoir de pouvoir aller rendre visite à ses parents à Dubaï et parce qu’un ami lui avait dit que Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) exigerait qu’il présente ce passeport pour sa demande de résidence permanente. La SPR a conclu que, puisque M. Bashir n’avait pas l’intention d’utiliser le passeport pour se rendre au Pakistan, il n’avait pas l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de ce pays. La Cour fédérale a confirmé la décision, car « il est difficile de voir comment le renouvellement d’un passeport national en vue de le présenter à CIC pour conclure le processus d’acquisition du statut de résident permanent peut être considéré comme indiquant une intention de la part du défendeur de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité ». La Cour a rejeté l’argument du ministre selon lequel le fait que l’individu désirait se rendre dans un pays tiers en utilisant son passeport mène de manière irréfutable à la conclusion qu’il avait l’intention de se réclamer à nouveau de la protection de ce pays. Chaque cas doit être tranché en fonction des faits qui lui sont propres.

Dans l’affaire DinNote 64, la Cour a estimé que la SPR n’avait pas suffisamment pris en compte l’explication du demandeur concernant son intention à son retour au Pakistan. Bien qu'il soit retourné s'occuper de questions relatives à sa retraite et à un différend avec des locataires d’une propriété, il a témoigné que, notamment lors de ses visites, il se cachait toujours, ne pratiquait pas ouvertement sa foi ahmadie, vivait dans une peur constante et ne disait rien à personne qu'il venait au Pakistan. La Cour a jugé que, à la lumière de ce témoignage, le raisonnement de la SPR selon lequel «la protection des réfugiés ne comprend pas de disposition permettant à la personne de retourner dans son pays en provenance… d’un endroit 'où elle demande une protection simplement pour des raisons financières, en raison de différends concernant des biens ou pour d'autres raisons» a manqué à l'essentiel de la preuve de la personne protégée que, pris dans son ensemble, il n'avait pas l'intention de réclamé de nouveau de la protection du Pakistan.

Dans l’affaire PeiqrishviliNote 65, la personne protégée avait obtenu l'asile en 2005 en raison du risque de persécution de son ex-mari en Géorgie. Elle a demandé et obtenu un passeport géorgien en 2009, qu'elle a utilisé pour se rendre en Géorgie à trois reprises. Elle a témoigné devant la SPR qu'elle avait pris des précautions lorsqu'elle était en Géorgie pour empêcher son ex-mari de savoir qu'elle était revenue. La Cour a annulé la décision de la SPR parce que celle-ci n’a pas évalué l’incidence de ces éléments de preuve sur l’intention de la personne protégée de se réclamer de nouveau de la protection du Géorgie. La Cour a reconnu que d'autres décisions, telles que Yuan, analysaient ces éléments de preuve dans le cadre de la troisième branche du test; «cependant, il se peut qu’il convienne mieux d’analyser la preuve concernant les efforts déployés par un réfugié pour éviter son agent de persécution en tenant compte de son intention (la deuxième exigence du critère de l’alinéa 108(1)a)), puisque des décisions de jurisprudence donnent à penser que le fait d’obtenir effectivement la protection du pays de nationalité (la troisième exigence du critère) concerne surtout la question de savoir si un passeport a véritablement été délivré par le pays en question.» En outre, ces éléments de preuve devaient être pris en considération même s'il n'y avait pas de circonstances exceptionnelles ou impérieuses sous-jacentes à l'obtention par la personne protégée de son passeport ou sous-jacentes à ses voyages.

Dans l’affaire AntoineNote 66, la SPR avait rejeté la demande de perte de l’asile du ministre, concluant que la personne protégée avait réfuté la présomption qu’elle avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection d’Haïti en y retournant trois ou quatre fois. Le ministre a demandé un contrôle judiciaire. La Cour a rejeté le contrôle judiciaire, concluant qu’il était raisonnable de conclure que les voyages de la personne protégée étaient dus à une circonstance exceptionnelle et qu’il n’y avait aucune intention de sa part de se réclamer de nouveau de la protection d’Haïti. La SPR a noté que le défendeur a pris des précautions quand il était dans son pays de nationalité et qu’il avait affirmé s’être déplacé avec un ami policier, en voiture blindée, et uniquement quand il était nécessaire de le faire, lors de ses séjours en Haïti. Il ne s’est pas promené quand il était au pays, se limitant à visiter son père et à en prendre soin, et demeurant dans son domicile familial. Ces considérations sont pertinentes quant à la détermination que la SPR doit faire.

12.5.3.3. Se réclamer de nouveau de la protection du pays

Au paragraphe 121 du Guide du HCR, on établit une distinction entre le fait de se réclamer à nouveau de la protection du pays considéré et des rapports occasionnels et fortuits avec les autorités de ce pays. Par exemple, il est mentionné que, si une personne demande et obtient un passeport, elle sera présumée avoir eu l’intention de se réclamer à nouveau de la protection du pays, tandis que l’obtention d’autres documents, comme un certificat de naissance ou de mariage, n’est normalement pas assimilé au fait de se réclamer à nouveau de la protection du pays.

De plus, au paragraphe 125 du Guide du HCR, une distinction est établie entre le fait qu’un réfugié voyage avec un passeport délivré par son pays de nationalité et le fait qu’il voyage avec un autre titre de voyage, auquel cas il ne sera pas nécessairement présumé s’être effectivement réclamé à nouveau de la protection de son pays d’origine. La jurisprudence canadienne a également souligné dans certains cas que le fait qu’une personne voyage avec un passeport délivré par son pays de nationalité suppose qu’elle s’est réclamée de la « protection diplomatique » de ce paysNote 67.

Les tribunaux examinent plusieurs facteurs pour établir si une personne protégée s’est effectivement réclamée à nouveau de la protection de son pays de nationalité. Comme il est expliqué ci après, l’utilisation d’un passeport pour voyager, le motif du voyage, le fait que la personne protégée a pris ou non des précautions et la durée du séjour sont tous des facteurs que la SPR et les tribunaux prennent en considération pour répondre à la question de savoir si la personne protégée s’est effectivement réclamée à nouveau de la protection de son pays.

Dans la décision YuanNote 68 , M. Yuan, la personne protégée, s’était vu accorder le statut de réfugié en 2009 parce qu’il craignait le Bureau de la sécurité publique en Chine en raison de son appartenance à une église chrétienne clandestine. Il a obtenu un passeport chinois et l’a utilisé pour retourner en Chine pendant un mois en 2013 afin d’organiser les funérailles de sa mère. La SPR a accueilli la demande de constat de perte de l’asile, concluant que, même s’il n’avait pas habité chez lui et ne s’était pas beaucoup montré en public, il avait tout de même séjourné dans la région urbaine d’où il était originaire et avait révélé sa présence à sa parenté. La Cour a déclaré que la conclusion de la SPR, à savoir qu’il s’était effectivement réclamé à nouveau de la protection de la Chine, était contredite par ces conclusions de fait. Étant donné que le demandeur d’asile se cachait essentiellement, il n’était pas justifié de conclure qu’il s’était réclamé à nouveau de la protection de la Chine.

Dans la décision JingNote 69, la personne protégée a fait valoir que son cas était similaire à celui de Yuan, car il se cachait lors de sa visite en Chine. La Cour a estimé qu’il était raisonnable que la SPR rejette cet argument car il serait peu probable qu’il puisse rester caché compte tenu du fait qu’il voyageait en train en Chine et qu’il restait chez son cousin.

Dans l’affaire LuNote 70, la personne protégée a fait valoir que le fait qu'elle devait renoncer à sa pratique du Falun Gong avant de se voir délivrer un passeport chinois était analogue aux circonstances de Yuan, où la personne protégée se cachait. La Cour a rejeté cet argument, estimant que dans Yuan, la personne protégée avait activement évité que sa présence soit détectée lorsqu’il est retourné en Chine alors que dans I, la personne protégée a déclaré qu'elle n'avait pris aucune précaution lorsqu’elle s’est rendue en Chine.

Dans la décision MaqboolNote 71, la Cour a conclu que la personne protégée s’était réclamée à nouveau de la protection du Pakistan en obtenant un passeport de ce pays et en se rendant là-bas. La Cour a également souligné qu’il ne semblait pas exister de circonstances atténuantes et que la personne protégée n’avait pas pris de précautions particulières. M. Maqbool a habité au domicile familial, où lui et sa famille avaient été persécutés, il a rendu visite à des amis et il est allé à des rendez-vous médicaux.

Dans la décision NilamNote 72 , la SPR a rejeté la demande de constat de perte de l’asile présentée par le ministre, ayant conclu que M. Nilam, la personne protégée, avait tenté d’atténuer le risque d’être persécuté pendant son séjour au Sri Lanka. Plus précisément, la SPR a conclu qu’il était resté confiné la plupart du temps au domicile familial, qu’il avait évité les contacts avec les voisins et les représentants du gouvernement, et qu’il s’était rendu dans des petits centres médicaux plutôt que dans des hôpitaux. La Cour a annulé cette décision, concluant que la SPR avait tiré ces conclusions sans tenir compte de la preuve. En particulier, l’allégation de M. Nilam selon laquelle il a évité les représentants du gouvernement a été contredite par le fait qu’il a utilisé un passeport sri lankais pour entrer au Sri Lanka à deux reprises, ce qui l’a obligé à se soumettre à des contrôles de sécurité. De plus, il a utilisé son passeport sri-lankais pour se rendre en Inde afin d’y subir une greffe de cheveux, « une chose qu’il est difficile de considérer comme une circonstance impérieuse, quelle que soit la définition qu’on donne à ce termeNote 73 ». Ses séjours n’étaient ni brefs ni clandestins. Il a mangé dans des restaurants, il est allé dans des magasins et il a assisté à des cérémonies de mariage où des centaines de personnes étaient présentes. La Cour a conclu que tous ces éléments de preuve soulevaient des doutes quant à savoir si le demandeur craignait toujours d’être persécuté au Sri Lanka et portaient à croire qu’il confiait la défense de ses intérêts à l’État du Sri Lanka.

En revanche, dans l’affaire DinNote 74, la Cour a conclu que la SPR avait confondu «intention» et «protection effective», de sorte qu’il n’était pas possible d’indiquer que la SPR avait examiné si la personne protégée avait effectivement obtenu la protection du Pakistan. La personne protégée était un musulman ahmadi et la preuve sur la situation dans le pays qui avait été soumise à la SPR a confirmé qu'il n'existait aucune protection offerte par l'État aux musulmans ahmadis, où que ce soit au Pakistan. Cela a été renforcé par la désignation par la CISR d’une décision de la SAR en tant que guide jurisprudentiel, qui explique pourquoi les demandeurs d’asile ahmadi du Pakistan n’ont pas accès à la protection de l’État. La Cour a statué que même si le demandeur avait accompli intentionnellement l’acte par lequel il s’était réclamé de nouveau de la protection du pays et qu’il n’avait donc aucune crainte subjective, il était quand même possible qu’à son retour au Pakistan, il soit exposé à un risque prévu à l’article 97, ce qui ne nécessite pas l’existence d’une crainte subjective. La SPR n'a tout simplement pas abordé ces questions.

12.5.4. Alinéa 108(1)b) – Recouvrement volontaire de la nationalité

L’alinéa 108(1)b) prévoit effectivement qu’une personne perd l’asile si elle recouvre sa nationalité.

Le paragraphe 126 du Guide du HCR précise que cette disposition s’applique dans les cas où un réfugié, ayant perdu la nationalité du pays où il craignait avec raison d’être persécuté, recouvre volontairement cette nationalité.

Ce motif n’a pas été grandement examiné dans la jurisprudence canadienne. En général, une personne protégée au Canada conservera sa citoyenneté originale après avoir acquis le statut de personne protégée, du moins jusqu’à ce qu’elle obtienne la citoyenneté canadienne. Pour cette raison, il serait très peu probable que ce motif soit invoqué dans une demande de constat de perte de l’asile. Ce point est d’ailleurs abordé dans la note de bas de page 17 du paragraphe 127 du Guide du HCR, où il est mentionné que cette clause ne s’applique pas dans la majorité des cas de réfugiés.

Dans la décision StarovicNote 75, la personne protégée avait demandé l’asile à titre de citoyenne de la Yougoslavie d’origine ethnique croate. Elle est ensuite retournée en Serbie. La SPR a conclu qu’elle n’avait pas recouvré sa nationalité puisqu’elle ne l’avait jamais perdue au départ, la Serbie étant un État qui a succédé à la Yougoslavie. Cet aspect de la décision a été souligné, mais n’a pas fait l’objet d’autres commentaires de la part de la Cour fédérale, puisque la décision a été confirmée pour d’autres motifs.

12.5.5. Alinéa 108(1)c) – Acquisition d’une nouvelle nationalité

L’alinéa 108(1)c) prévoit effectivement qu’une personne perd l’asile si elle acquiert une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays de cette nouvelle nationalité.

Une seule décision a été rendue au Canada au sujet de cette disposition. Dans la décision KhalifaNote 76 , la SPR avait accordé le statut de réfugié au demandeur d’asile, un citoyen de l’Égypte, en 2004. Celui-ci a obtenu la citoyenneté américaine en 2012. Le ministre a déposé une demande de constat de perte de l’asile, faisant valoir que les alinéas 108(1)a) et 108(1)c) s’appliquaient. La SPR a accueilli la demande au titre de l’alinéa 108(1)c).

Dans le cadre du contrôle judiciaire, la personne protégée a formulé plusieurs arguments concernant l’abus de procédure et la compétence de la SPR, qui sont examinés plus en détail ci après; toutefois, en ce qui concerne la conclusion tirée par la SPR à l’égard de l’alinéa 108(1)c), voici ce qu’a déclaré la Cour :

[49] Il est également raisonnable que le législateur ait voulu mettre fin au statut privilégié d’un demandeur qui n’a plus besoin de l’asile au Canada parce qu’il a obtenu la citoyenneté d’un autre pays sûr avant de devenir un citoyen du Canada. M. Khalifa est désormais, de son propre choix, un citoyen des États-Unis qui bénéficie de la protection d’un autre pays; il n’a donc plus besoin de celle du Canada. La LIPR, n’a pas pour objectif de faire du Canada un pays de convenance pour les personnes voulant obtenir la protection que confère l’asile dans plusieurs pays. Cette décision est tout à fait indépendante de celle de savoir si les motifs à l’origine de l’asile n’existent plus dans son pays d’origine.

Dans la décision StarovicNote 77, la personne protégée avait demandé l’asile à titre de citoyenne de la Yougoslavie d’origine ethnique croate. Elle est ensuite retournée en Serbie avec son passeport serbe. La Commission a conclu qu’elle n’avait pas acquis une nouvelle nationalité, la Serbie étant un État qui a succédé à la Yougoslavie. Cet aspect de la décision a été souligné, mais n’a pas fait l’objet d’autres commentaires de la part de la Cour fédérale, puisque la décision a été confirmée pour d’autres motifs.

Dans la décision ZaricNote 78, la Cour fédérale, dans le contexte d’une demande d’annulation au titre de l’article 109 de la LIPR, aborde brièvement l’effet qu’a l’acquisition de la citoyenneté canadienne sur la perte de l’asile. Elle a déclaré que, même si M. Zaric a automatiquement cessé d’être un réfugié au sens de la Convention​ dès qu’il a acquis la citoyenneté canadienne, cela n’a pas eu pour effet de révoquer son statut de personne protégée suivant la LIPR. Cela ne pourrait se faire qu’au moyen d’une demande présentée au titre du paragraphe 108(2).

12.5.6. Alinéa 108(1)d) – Retourner s’établir dans le paysNote 79

L’alinéa 108(1)d) prévoit effectivement qu’une personne perd son statut de réfugié si elle retourne volontairement s’établir dans le pays en raison duquel elle a demandé l’asile au Canada.

La jurisprudence canadienne portant sur l’alinéa108(1)d) (retourner s’établir dans le pays) est limitée. Ce motif de perte de l’asile a été abordé dans deux affaires.

Dans la décision StarovicNote 80 , la Cour a confirmé la décision de la SPR dans laquelle elle avait tiré un constat de perte de l’asile fondé sur les alinéas 108(1)a) et d). La personne protégée est retournée en Serbie, son pays de nationalité, lorsque son époux a subi une crise cardiaque. Elle est restée là-bas pendant plusieurs années avant de tenter de revenir au Canada. Elle s’est vu refuser un visa, de sorte que l’audience relative à la perte de l’asile s’est déroulée par téléphoneNote 81. La SPR a conclu que son témoignage par téléphone était crédible en général et qu’elle n’était pas en mesure de revenir au Canada parce que sa demande de visa avait été refusée. Toutefois, la SPR a jugé déraisonnable que la personne protégée et son époux n’aient pas fait le moindre effort pour s’établir dans un autre pays, comme on se serait attendu à ce qu’ils le fassent s’ils craignaient véritablement d’être persécutés. La Cour a confirmé la décision et a conclu que, bien que son retour initial en Serbie puisse être considéré comme étant involontaire, le séjour prolongé à cette occasion est devenu volontaire. Il était raisonnable de conclure qu’un réfugié véritable aurait cherché à s’établir dans un autre pays au lieu de rester en Serbie jusqu’à ce que la question de son retour au Canada soit réglée.

Dans l’affaire CadenaNote 82, la SPR a tiré un constat de perte de l’asile en application des alinéas 108(1)a) et 108(1)d). La personne protégée est retournée au Mexique peu de temps après avoir obtenu son statut et y est restée pendant quatre ans. Elle a expliqué qu’elle essayait de ramener son époux au Canada. Bien que la décision de la Cour fédérale porte surtout sur l’analyse au titre de l’alinéa 108(1)a), la Cour a fait valoir qu’aucune présomption d’intention de se réclamer à nouveau de la protection de son pays de nationalité ou de retourner s’établir dans le pays ne découle de l’acquisition d’un passeport lorsque la personne se trouve déjà dans son pays de nationalité. En raison du poids que la SPR a accordé à l’acquisition de ce passeport, la Cour a déclaré qu’elle aurait dû expliquer davantage son raisonnement se rapportant à l’alinéa 108(1)d). La Cour a néanmoins confirmé la décision au titre de l’alinéa 108(1)a).

12.5.7. Alinéa 108(1)e) – Changement de circonstances

L’alinéa 108(1)e) prévoit effectivement qu’une personne perd l’asile si les motifs pour lesquels elle a demandé l’asile n’existent plus. C’est ce qu’on appelle aussi communément un changement de circonstances. Alors que les autres motifs de perte de l’asile se rapportent au comportement de la personne protégée, ce motif est lié à des circonstances sur lesquelles elle n’a généralement aucun contrôle.

Pour les explications à ce sujet, consulter le chapitre 7 concernant l’interprétation de cette disposition. Toutefois, la section suivante porte sur l’interaction entre l’alinéa 108(1)e) et les autres alinéas du paragraphe 108(1).

12.6. Autres questions

12.6.1. Pouvoir discrétionnaire de déterminer les motifs qui s’appliquent

Une question qui a été examinée dans la jurisprudence est celle de savoir si, et dans quelle mesure, la SPR a le pouvoir discrétionnaire d’appliquer des motifs qui n’ont pas été soulevés dans la demande présentée par le ministre ou de choisir lesquels s’appliquent parmi ceux qui ont été soulevés. La question se pose habituellement dans le contexte où la personne protégée soutient que la SPR devrait accueillir la demande seulement au titre de l’alinéa 108(1)e), en raison d’un changement de circonstances, et non au titre des autres alinéas du paragraphe 108(1). Cet argument est invoqué parce que la personne perdra son statut de résident permanent en cas de constat de perte de l’asile en application des alinéas 108(1)a) à 108(1)d).

Cette question a été examinée dans quelques décisions. Dans la décision Al-ObeidiNote 83 , M. Al Obeidi, la personne protégée, avait obtenu le statut de réfugié en 2002 parce qu’il craignait le régime de Saddam Hussein en Iraq. Après la chute du régime Hussein, il est retourné en Iraq à six reprises. Lorsqu’il a présenté une demande de citoyenneté, le ministre a pris connaissance de ses déplacements, et une demande de constat de perte de l’asile a été présentée au titre de l’alinéa 108(1)a), au motif qu’il s’était réclamé à nouveau de la protection de l’Iraq.

À l’audience, la SPR a soulevé, de sa propre initiative, la possibilité de statuer sur la demande au titre de l’alinéa 108(1)e), en raison du changement de situation en Iraq. Le ministre a fait valoir que la SPR devait examiner les motifs avancés par le ministre dans sa demande. La SPR a refusé de le faire et a accueilli la demande de constat de perte de l’asile, mais au titre de l’alinéa 108(1)e) seulement.

Devant la Cour, le ministre a soutenu que le commissaire avait commis une erreur en adoptant cette approche. La Cour n’était pas de cet avis. Elle a déclaré que la LIPR confère un vaste pouvoir discrétionnaire à la Commission en ce qui a trait aux questions de perte de l’asile. Le fait que le ministre n’a pas atteint l’objectif ultime de la demande de constat de perte de l’asile au titre de l’alinéa 108(1)a) ne justifie de conclure que l’approche de la Commission était déraisonnable. La Cour a déclaré que, si le Parlement avait souhaité imposer à la Commission l’obligation d’examiner précisément le motif soulevé dans la demande du ministre, il aurait clairement pu le faire.

Le ministre a également fait valoir que la décision de la SPR dans l’affaire Al-Obeidi était incompatible avec au moins une décision antérieure de la SPR, dans laquelle elle avait tranché une demande de constat de perte de l’asile pour des motifs autres que ceux énoncés à l’alinéa 108(1)e), même si la personne protégée avait admis qu’elle n’avait plus qualité de réfugié au titre de l’alinéa 108(1)e). La Cour a rejeté cet argument et a déclaré ceci :

[21] Le ministre soutient également que la décision de la Commission en l’espèce est incompatible avec la décision d’un autre commissaire (TB3 05609, 12 août 2014). Dans cette affaire, la Commission a conclu que la concession de l’intimée selon laquelle elle n’avait plus qualité de réfugié aux termes de l’alinéa 108(1)e) ne limite pas la compétence de la Commission pour examiner les autres éventuels motifs de perte de l’asile. Encore là, je ne vois pas de contradiction. Comme il a été mentionné, la Commission est autorisée, selon la LIPR, à examiner tout motif de perte de l’asile énoncé au paragraphe 108(1). Le fait qu’un défendeur concède que l’un des motifs existe ne devrait pas empêcher la Commission de tenir compte d’un autre motif. Dans les circonstances de cette affaire, la Commission s’est sentie obligée d’examiner d’autres motifs de perte de l’asile ayant été avancés par le ministre. Le fait que la Commission ait tenu compte de ces autres motifs ne signifie pas qu’elle a commis une erreur en ne les examinant pas en l’espèce.
[22] En somme, dans le cadre d’une demande de constat de perte de l’asile présentée par le ministre, la Commission peut examiner tout motif énoncé au paragraphe 108(1) de la LIPR. Si le réfugié intimé convainc la Commission, ou concède, qu’il a perdu son statut en raison du changement de la situation dans le pays (alinéa 108(1)e)), la Commission dispose d’un pouvoir discrétionnaire de tenir compte d’autres motifs. On ne peut ni l’obliger à le faire, ni l’empêcher de le faire. Toutefois, lorsqu’il existe une preuve non contredite et non contestée de la perte de l’asile pour un autre motif (p. ex. l’acquisition d’une nationalité d’un pays offrant une protection), la Commission devrait en tenir compte.

Dans la décision TungNote 84, la Cour a cité et approuvé la décision Al-Obeidi en examinant un argument semblable. Toutefois, dans cette affaire, le ministre et la personne protégée avaient présenté à la SPR des observations conjointes, à savoir que la demande devait être accueillie au titre de l’alinéa 108(1)e), mais la SPR a décidé d’accueillir la demande au titre des alinéas 108(1)a) et 108(1)e).

Dans ce cas, la personne protégée s’était vu conférer l’asile en 2002 en raison de sa pratique du Falun Gong, et elle était devenue résidente permanente en 2004. Elle a présenté deux demandes de passeports chinois et elle s’est rendue en Chine 12 fois entre 2004 et 2014, pour un séjour d’un mois chaque fois. Elle a affirmé que les raisons pour lesquelles elle avait demandé le statut de réfugié n’existaient plus puisqu’elle avait cessé de pratiquer le Falun Gong.

Avant l’audience, la SPR a informé les parties qu’elle examinerait un motif qui n’avait pas été invoqué par les parties (l’alinéa 108(1)a)). Elle a conclu que le comportement de la personne protégée – avoir demandé un passeport chinois, l’avoir fait renouveler, s’être rendue volontairement en Chine à 12 reprises, avoir fait de longs séjours en Chine et n’avoir éprouvé aucune difficulté lors de ses contacts avec les autorités chinoises – ne réfutaient pas la présomption d’intention de se réclamer à nouveau de la protection de la Chine. En ce qui concerne le changement de circonstances, la SPR a convenu qu’il s’appliquait, mais que le moment où la personne protégée avait cessé de pratiquer le Falun Gong n’avait pas été clairement établi. Par conséquent, la SPR a conclu qu’elle pouvait examiner n’importe lequel des motifs de perte de l’asile.

La Cour a conclu que, même si la personne protégée a reconnu la perte du statut de réfugié en raison d’un changement de circonstances, la SPR avait le pouvoir discrétionnaire de tenir compte d’autres motifs applicables. La SPR n’a pas commis d’erreur en ne donnant pas suite à la recommandation conjointe. Le pouvoir discrétionnaire conféré par la LIPR ne peut être entravé ou régi par les observations des parties. De plus, la SPR n’a pas rejeté les observations conjointes, mais elle a exercé la faculté qu’elle a de prendre en compte d’autres motifs, et elle a fait savoir aux parties avant le début de l’audience qu’elle entendait le faire. Il s’agissait d’une approche raisonnable. Voici ce que la Cour a déclaré :

[24] La demanderesse fait valoir que dans la mesure où l’on ne peut perdre l’asile qu’une seule fois, la SPR était tenue de se prononcer de manière définitive sur la date à laquelle la perte d’asile est intervenue. Ce n’est pas un argument qu’autorise le texte du paragraphe 108(1) qui envisage plusieurs circonstances pouvant entraîner la perte d’asile. La demanderesse fait essentiellement valoir que la SPR ne saurait retenir plus d’un motif de perte d’asile. Pour les raisons exposées ci dessous, cet argument n’est pas fondé. […]
[28] Avant l’audience, la SPR a fait savoir aux parties que bien que la demanderesse ait concédé la perte d’asile pour un des motifs prévus, elle entendait se pencher également sur tout motif pouvant en l’occurrence entraîner la perte d’asile. Cette approche est conforme au large pouvoir discrétionnaire que la LIPR confère à la SPR, ainsi que le juge O’Reilly l’a rappelé aux paragraphes 21 et 22 de Canada (Citoyenneté et Immigration) c Al Obeidi, 2015 CF 1041 : […]
[29] Ainsi, bien que la demanderesse ait concédé la perte de son statut de réfugié au seul motif d’un changement de circonstances, la SPR pouvait, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, prendre en compte d’autres motifs de perte de l’asile applicables en l’occurrence. La SPR a également tenu compte du fait que la demanderesse s’étant réclamée de nouveau de la protection de son pays, mais cela ne veut aucunement dire que la SPR a manqué de prendre en compte le changement de circonstances.
[30] Ainsi que nous l’avons souligné, la demanderesse ne conteste pas que la SPR a conclu à la perte de l’asile en raison d’un changement de circonstances. La demanderesse a vraisemblablement pensé que la SPR n’examinerait que le changement de circonstances, le motif entraînant la perte d’asile concédé par la demanderesse, qui s’était, sur ce point, entendue avec le ministre. Ce n’est cependant pas comme cela que la SPR a abordé l’examen de la question, et elle n’était aucunement tenue de procéder ainsi. La demanderesse a fait en outre valoir que c’est à tort que la SPR n’avait pas motivé son refus de s’en tenir aux observations conjointes des avocats des parties.
[31] J’estime que l’argument voulant que la SPR ne s’en soit pas tenue aux observations conjointes des avocats des parties n’est pas fondé, et qu’il fait fi du pouvoir discrétionnaire que la LIPR reconnaît à la SPR. On ne peut pas présumer que les rédacteurs de la LIPR ont voulu que l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré par la loi puisse être entravé, ou régi par les observations des parties ou de leurs avocats. Je souscris à ce que le juge Zinn en a dit dans Fong c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CF 1134 [Fong] où, au paragraphe 31, il s’exprime en ces termes : « […] la SAI a le droit de rejeter une observation conjointe dans la mesure où elle fournit des motifs pour ce faire » [renvois omis]. Bien que le jugement Fong porte sur des faits différents, ce principe s’applique en l’espèce.
[32] En l’occurrence, cependant, la SPR n’a pas rejeté les observations conjointes, mais a simplement exercé la faculté qu’elle a de prendre en compte d’autres motifs de perte de l’asile aux termes du paragraphe 108(1) de la LIPR. Ajoutons que la SPR avait fait savoir aux parties avant même le début de l’audience qu’elle entendait considérer d’autres motifs de perte de l’asile et que, ce faisant, elle a motivé, comme elle le devait, le fait de ne pas s’en tenir aux recommandations formulées par les avocats des parties.
[33] Pris dans son ensemble, l’examen que la SPR a fait de la question de la perte d’asile est raisonnable, et la SPR n’a commis aucune erreur dans son approche de la question au regard du paragraphe 108(1).

Dans un cas similaire, LuNote 85, la personne protégée a fait valoir que, considérant qu'elle avait renoncé à la pratique du Falun Gong, elle avait perdu son statut de réfugié avant même l’obtention de son passeport et son retour en Chine. Elle a fait valoir qu'une personne cesse d'être un réfugié à un moment précis et qu'une fois qu'une personne perd le statut de réfugié pour une raison (par exemple, un changement de circonstances dans le pays d'origine), elle ne peut le perdre de nouveau par la suite pour une autre raison. Par conséquent, la SPR doit déterminer le motif de la perte et le moment où le statut de réfugié a été perdu. La Cour a rejeté cet argument, déclarant que le moment des événements n'est qu'un facteur à considérer; cependant, la SPR doit agir raisonnablement et avoir des motifs valables justifiant l’exercice de ce pouvoir:

[37] La demanderesse reconnaît que la SPR a le pouvoir discrétionnaire d’examiner une demande de constat de perte d’asile pour l’un ou l’autre des motifs énoncés au paragraphe 108(1) de la LIPR, mais, dans les faits, l’argument qu’elle avance quant au moment pertinent annulerait ce pouvoir. Ni la loi ni la jurisprudence de la Cour ne met en avant le principe selon lequel le pouvoir discrétionnaire de la SPR se limite à déterminer à quel moment le statut de réfugié a d’abord été perdu, puis à appliquer automatiquement l’un des alinéas du paragraphe 108(1). Cet argument restreint indûment le pouvoir discrétionnaire de la SPR, allant ainsi à l’encontre de l’intention du législateur. Le constat de perte d’asile est rendu par la SPR en fonction de tous les faits et de tous les éléments de preuve propres à une affaire donnée, et la chronologie des événements en question n’est qu’un des aspects de cette décision.

[38] La demanderesse soutient que lorsque la SPR exerce son pouvoir discrétionnaire et examine les motifs énoncés au paragraphe 108(1) relativement à la perte de l'asile, elle doit agir raisonnablement et avoir des motifs valables justifiant l'exercice de ce pouvoir; je suis d'accord. Lorsque plus d'un des alinéas de ce paragraphe peut s'appliquer, la SPR devrait évaluer la preuve et les observations des parties à l'égard de chacun des alinéas en question. Dans la décision Al-Obeidi, le juge O'Reilly a déclaré que la SPR devrait examiner les différents motifs justifiant la perte de l'asile si, en l'occurrence, « il existe une preuve non contredite et non contestée de la perte de l'asile pour un autre motif » (Al-Obeidi, par. 22).

[48] Enfin, la demanderesse soutient que lorsqu’une demande de constat de perte d’asile est présentée et que la preuve révèle que la perte du statut est attribuable à un changement des conditions dans le pays, la SPR devrait rendre une décision en se fondant uniquement sur l’alinéa 108(1)e) de la LIPR puisque, autrement, cela rendrait inutile l’exclusion de cet alinéa, par le législateur, du champ d’application de l’alinéa 46(1)c.1). Je ne suis pas d’accord dans la mesure où, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire visé aux paragraphes 108(1) et 108(2), la SPR est tenue d’agir raisonnablement. Le tribunal sera inévitablement appelé à examiner des cas où la séquence des événements et la preuve démontreront que l’application la plus raisonnable des alinéas 108(1)a) à e) mène à un constat de perte d’asile attribuable à un changement de circonstances (alinéa 108(1)e)).

La Cour fédérale a rendu la décision dans l’affaire KhalifaNote 86 environ un mois après avoir rendu la décision Al-Obeidi, sans toutefois citer celle ci. La SPR a tiré un constat de perte de l’asile au titre de l’alinéa 108(1)c) (acquisition d’une nouvelle nationalité – États-Unis), même si elle a également conclu à la perte de l’asile au titre de l’alinéa 108(1)e) (changement de circonstances). M. Khalifa, la personne protégée, a fait valoir devant la SPR que la demande ne devait être accueillie qu’au titre de l’alinéa 108(1)e). Il a soutenu que la SPR avait outrepassé sa compétence en concluant qu’il avait perdu son statut au titre de l’alinéa 108(1)c) alors qu’elle avait déjà décidé qu’il l’avait perdu en application de l’alinéa 108(1)e). Le raisonnement derrière cet argument était le suivant : (i) la décision allait à l’encontre de l’intention du législateur lorsqu’il a créé une exemption à la perte de la résidence permanente pour un changement de circonstances; (ii) la décision entraînerait des résultats absurdes.

La Cour n’a pas retenu cet argument. Elle a conclu que l’interprétation de la personne protégée contredisait le libellé impératif du paragraphe 108(1). De plus, il est raisonnable que le législateur mette fin au statut privilégié d’un demandeur qui n’a plus besoin de la protection du Canada parce qu’il a obtenu la citoyenneté dans un autre pays sûr. Cette décision est tout à fait indépendante de celle de savoir si les motifs à l’origine de l’asile n’existent plus dans le pays d’origine du demandeur. La Cour a conclu ce qui suit sur cette question :

[48] Je ne peux retenir cet argument. Cette interprétation contredit clairement le libellé impératif de l’article selon lequel « est rejetée​ la demande d’asile […] dans tel des cas suivants » [alinéas a) à e)]. M. Khalifa ne cite aucune jurisprudence ni aucun ouvrage traitant des principes d’interprétation pour appuyer son argument selon lequel le pouvoir discrétionnaire que l’article 108 accorde au ministre est limité.
[49] Il est également raisonnable que le législateur ait voulu mettre fin au statut privilégié d’un demandeur qui n’a plus besoin de l’asile au Canada parce qu’il a obtenu la citoyenneté d’un autre pays sûr avant de devenir un citoyen du Canada. M. Khalifa est désormais, de son propre choix, un citoyen des États-Unis qui bénéficie de la protection d’un autre pays; il n’a donc plus besoin de celle du Canada. La LIPR, n’a pas pour objectif de faire du Canada un pays de convenance pour les personnes voulant obtenir la protection que confère l’asile dans plusieurs pays. Cette décision est tout à fait indépendante de celle de savoir si les motifs à l’origine de l’asile n’existent plus dans son pays d’origine.

Dans l’arrêt RavandiNote 87, la Cour a déclaré en obiter que la décision Al-Obeidi donne fortement à penser qu’il ne serait pas raisonnable pour la SPR de mettre fin à son analyse dès qu’elle conclut à la perte de l’asile en vertu de l'alinéa 108 (1) e) lorsqu’il existe des éléments de preuve non contredits et incontestés que la personne protégée s’est réclamée de nouveau de la protection de son pays.

La Cour d’appel a aussi abordé brièvement la question dans la décision SiddiquiNote 88, dans laquelle la personne protégée a fait valoir que la SPR avait commis une erreur en omettant de se demander si elle aurait pu rendre sa décision en application de l’alinéa 108(1)e). La Cour a souligné que la question n’avait pas été soulevée devant la SPR et a refusé d’examiner l’argument en déclarant simplement que « [l]a SPR n’a toutefois commis aucune erreur en omettant de tenir compte d’un motif de perte de l’asile qui n’avait été soulevé ni par le ministre ni par l’appelant ».

12.6.2. Pertinence du risque prospectif

Dans l’examen de la question de la perte de l’asile au titre de l’alinéa 108(1)e), on évalue le changement de circonstances pour établir si la personne protégée est maintenant exposée à un risque advenant son retour dans son pays. Cependant, la question du risque auquel est exposée la personne à son retour est elle pertinente dans l’évaluation de la perte de l’asile au titre des alinéas 108(1)a) à 108(1)d)? La Cour a conclu que la réponse à cette question est « non ».

Dans la décision BalouchNote 89 , la personne protégée, une citoyenne de l’Iran, s’est vu accorder le statut de réfugié en 2008 en raison du risque auquel l’exposait sa religion, car elle était chrétienne. Elle a demandé un passeport iranien en 2010 et s’est rendue en Iran cette année-là pour rendre visite à sa grand-mère. Elle y a passé six mois. En 2013, elle est retournée en Iran pendant 34 jours. Au cours des deux séjours, elle a reçu des soins médicaux. La SPR a accueilli la demande de constat de perte de l’asile présentée par le ministre, concluant qu’elle s’était de nouveau réclamée de la protection de l’Iran en application de l’alinéa 108(1)a) de la LIPR. La Cour a rejeté l’argument selon lequel la SPR aurait dû examiner la question du risque permanent à l’audience relative à la perte de l’asile. Elle a déclaré ce qui suit :

[19] Même si la demanderesse allègue que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de la question du risque permanent lors de l’audience relative à la perte de l’asile, aucune jurisprudence n’a été citée à l’appui de cet argument. Bien que je reconnaissance que l’existence du risque est une préoccupation de premier plan lorsque la protection est réclamée, je ne suis pas convaincue que la question du risque est pertinente dans une audience relative à la perte de l’asile.
[20] En vertu de l’article 96 de la LIPR, le statut de réfugié au sens de la Convention est conféré à toute personne qui, craignant avec raison d’être persécutée, ne veut ou ne peut se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité. Lorsqu’un demandeur d’asile se réclame à nouveau et volontairement de la protection de son pays de nationalité, il y a lieu de penser qu’il n’est plus dans la situation de celui qui ne peut ou ne veut se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité.
[21] Quoi qu’il en soit, la question du risque sera évaluée si la demanderesse fait une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) en application de l’article 112 de la LIPR. Le fait que l’ERAR doit se faire dans un délai prescrit ne signifie pas qu’elle n’y a pas droit.

Dans la décision YuanNote 90 , la Cour en est arrivée à une conclusion semblable. En guise de justification, elle a expliqué que, dès que les conditions sont présentes et que les alinéas 108(1)a) à 108(1)d) s’appliquent, il n’existe plus de crainte subjective, de sorte qu’il est approprié de ne plus assurer la protection du réfugié. Toute inquiétude au sujet du refoulement en raison du risque prospectif peut être réglée par d’autres processus, comme une demande de sursis à l’exécution de la mesure de renvoi ou une demande d’ERAR.

12.6.3. Pertinence des motifs d’ordre humanitaire

Dans la décision AbadiNote 91, la personne protégée a fait valoir que la SPR aurait dû tenir compte des motifs d’ordre humanitaire, comme son degré d’établissement au Canada et l’intérêt supérieur de ses enfants, qui y sont nés. La Cour s’est exprimée ainsi : « je ne puis reprocher à la SPR d’avoir refusé de tenir compte des considérations d’ordre humanitaire dans la présente espèce. À mon sens, c’est dans le cadre d’une demande distincte de dispense fondée sur l’article 25 de la LIPR qu’il convient de faire valoir ces facteursNote 92 . »

Dans l’affaire SeidNote 93 , la SPR avait statué en 2018 qu’elle n’était pas liée par une décision rendue en 2011 par la Section d’appel de l’immigration (SAI), dans laquelle la SAI avait fait droit à l’appel sur l’obligation de résidence interjeté par l’intimé. La SAI avait conclu qu’il y avait des raisons impérieuses justifiant que l’intimé soit retourné au Tchad. La Cour a souscrit à la conclusion de la SPR. Le cadre d’analyse utilisé par la SAI était différent de celui imposé à la SPR dans le contexte de la perte de l’asile. La SPR n’avait pas compétence pour examiner des motifs d’ordre humanitaire.

La Cour d’appel fédérale a également confirmé que les motifs d’ordre humanitaire ne sont pas des facteurs pertinents dans les procédures de perte de l’asile dans le contexte où un agent décide de présenter une demande de constat de perte de l’asile. Dans la décision BermudezNote 94 , la Cour d’appel s’est penchée sur la question de savoir si un agent d’audience de CIC, pour décider si une demande doit être déposée à la SPR, a le pouvoir discrétionnaire de tenir compte de circonstances ou de facteurs qui ne sont pas explicitement énumérés à l’article 108, comme les motifs d’ordre humanitaire et l’intérêt supérieur de l’enfant. La Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire et a conclu que l’agent d’audience avait le pouvoir discrétionnaire de tenir compte des motifs d’ordre humanitaire et de ne pas présenter de demande de constat de perte de l’asile pour ces motifs.

La Cour d’appel fédérale a fait droit à l’appel, ayant conclu que l’agent n’avait pas le pouvoir discrétionnaire de prendre en considération des motifs d’ordre humanitaire. La Cour a conclu que c’est surtout au titre de l’article 25 de la LIPR que sont examinés les motifs d’ordre humanitaire, et que le ministre a délégué le pouvoir d’examiner les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire à une catégorie limitée de personnes. De plus, l’intention du législateur, précisée à l’article 108 de la LIPR, est claire et sans ambiguïté, à savoir qu’une demande d’asile est rejetée si l’un ou l’autre des cas prévus à l’article 108 se présente. Il n’y a guère de latitude quant aux circonstances qui justifient l’application de l’article 108Note 95 .

12.6.4. Abus de procédure et arguments semblables

Dans la décision KhalifaNote 96, l’intimé devant la SPR a fait valoir que la demande de constat de perte de l’asile constituait un abus de procédure parce que le ministre avait outrepassé le pouvoir qui lui est conféré en suspendant sa demande de citoyenneté en attendant l’issue de la demande de constat de perte de l’asile. La SPR a refusé d’établir si la suspension de la demande de citoyenneté constituait un abus de procédure. La Cour a donné raison à la SPR. Elle a conclu que la demande d’ordonnance de mandamus était le recours approprié à exercer pour contester la suspension par le ministre de la demande de citoyenneté de l’intiméNote 97. Par conséquent, la SPR n’a pas commis d’erreur en refusant de décider si le ministre avait commis un abus de procédure en suspendant la demande de citoyenneté de M. KhalifaNote 98.

Plusieurs arguments ont été formulés dans la décision LiNote 99 concernant la légalité des procédures. Premièrement, M. Li, la personne protégée, a soutenu que, puisqu’un agent des visas à l’étranger lui avait délivré un titre de voyage et une carte de résident permanent pour qu’il revienne au Canada, la question de la perte de l’asile avait déjà été tranchée (autorité de la chose jugée). Par ailleurs, il a soutenu que le ministre avait renoncé à la possibilité de présenter la demande de constat de perte de l’asile. La Cour a rejeté ces arguments, concluant que la question de la perte de l’asile n’avait pas été tranchée et que le ministre n’avait pas renoncé à la possibilité de présenter une demande de constat de perte de l’asile. Même s’il y avait des questions factuelles communes entre la décision de délivrer une carte de résident permanent et la question de la perte de l’asile, les deux questions étaient distinctes sur le plan juridique.

Un autre argument a été invoqué dans la décision Li, à savoir que la demande de constat de perte de l’asile constituait un abus de procédure en raison du délai écoulé et du fait que les dispositions relatives à la perte de l’asile ont été appliquées rétroactivement dans le but de renvoyer le demandeur d’asile pour criminalité. La Cour a rejeté ces arguments. Rien ne démontre que le délai a causé un préjudice. Les dispositions n’ont pas été appliquées rétroactivement et il n’y avait rien d’irrégulier au fait que le ministre poursuive simultanément les procédures d’admissibilité et celles relatives à la perte de l’asile.

Un argument différent concernant l’abus de procédure a été soulevé dans la décision AbadiNote 100. Il reposait sur le fait que le dossier initial de la demande d’asile avait été détruit, conformément à l’autorisation de conservation et d’élimination applicable. M. Shamsi, la personne protégée, a donc fait valoir que la demande de constat de perte de l’asile constituait un abus de procédure en raison de l’incertitude entourant les motifs pour lesquels l’asile lui avait été conféré près de 20 ans auparavant, ce qui rendrait difficile l’évaluation visant à établir si les conditions dans le pays d’origine avaient changé ou s’il avait pris des précautions raisonnables quand il était retourné en Iran. La Cour a rejeté cet argument puisque personne n’avait sérieusement contesté le fait qu’il avait obtenu le statut de réfugié au motif que sa mère craignait d’être persécutée parce qu’elle est une femme. La Cour a confirmé que la personne protégée n’avait pas établi que l’élimination de son dossier initial de demande d’asile diminuait sa capacité à répondre à la demande ni que sa situation relevait des cas les plus manifestes justifiant une suspension d’instance.

Dans la décision SeidNote 101 , la personne protégée a fait valoir que la demande de constat de perte de l’asile constituait un abus de procédure parce que le ministre était au courant de son retour au Tchad depuis 2009, mais qu’il a seulement présenté la demande de constat de perte de l’asile en 2016. La Cour a rejeté cet argument. Elle a statué que, pour évaluer s’il y avait eu abus de procédure, la SPR ne pouvait tenir compte que du délai lié aux procédures administratives devant la SPR. Le délai d’environ deux ans entre le dépôt de la demande à la SPR et la décision rendue par la SPR ne constituait pas un abus de procédure.

Enfin, dans l’affaire MaqboolNote 102 , la SPR a rejeté un argument d’abus de procédure même si elle a conclu que l’entrevue avec la personne protégée au point d’entrée débordait les pouvoirs législatifs et que cette personne aurait dû être informée qu’elle avait le droit d’être représentée par un avocat. La SPR a conclu que, malgré les problèmes relatifs à l’entrevue, celle ci ne constituait pas un abus de procédure, et que la situation avait été corrigée en écartant de la preuve les notes prises à l’entrevue. La Cour a pris note de cette question, mais elle ne l’a pas commentée; elle a néanmoins confirmé la décision de la SPR.

12.6.5. Constitutionnalité des dispositions relatives à la perte de l’asile

La question de la constitutionnalité du régime de la perte de l’asile, et plus précisément la perte automatique du statut de résident permanent prévue à l’alinéa 46(1)c.1) de la LIPR, a été soumise aux tribunaux. La validité constitutionnelle de cette disposition législative a d’abord été soulevée dans la décision YuanNote 103; toutefois, la Cour a refusé d’examiner les arguments constitutionnels, car ils n’avaient pas été d’abord soulevés devant la SPR. La Cour a déclaré que, même si la SPR n’a peut-être pas compétence pour trancher cette question et qu’elle a en fait décliné compétence dans d’autres décisions, cela ne dispensait pas la partie contestant la validité de la disposition législative de soulever la question devant la SPR.

Dans la décision NorouziNote 104 , la Cour fédérale s’est penchée sur la question de savoir si l’effet cumulatif des dispositions relatives à la perte de l’asile allait à l’encontre des articles 7, 12 et 15 de la Charte. La question avait été soulevée devant la SPR, mais celle-ci a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour trancher cette question constitutionnelle. La Cour n’a pas commenté la question de la compétence, mais elle a examiné le bien-fondé des arguments constitutionnels.

En ce qui concerne l’application de l’article 7 de la Charte (droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne) et de l’article 12 (droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités), la Cour a conclu que ces deux arguments étaient prématurés et qu’aucun des deux articles n’était en cause. À l’étape de la perte de l’asile, même si la conséquence était la perte du statut de résident permanent et l’interdiction de territoire, aucune mesure de renvoi ne serait prise tant qu’un agent n’aurait pas préparé un rapport au titre de l’article 44 et que le bien fondé de ce rapport n’aurait pas été établi. De plus, d’autres recours s’offraient à la personne, notamment une demande de report du renvoi.

En ce qui concerne l’article 15 (égalité devant la loi, égalité de bénéfice et protection égale de la loi), la Cour a conclu que les dispositions relatives à la perte de l’asile ne créaient pas de distinction fondée sur l’une des caractéristiques énumérées ou une caractéristique analogue. Comme il s’agissait d’une exigence pour conclure à une violation de cet article, les arguments relatifs à la constitutionnalité n’ont pas été retenus.

Notes

Note 1

L.C. 2001, chap. 27.

Retour à la référence de la note 1

Note 2

Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés des Nations Unies, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Genève, janvier 1992, réédité en décembre 2011, para 111.

Retour à la référence de la note 2

Note 3

L.C. 2012, chap. 17.

Retour à la référence de la note 3

Note 4

Le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement) a été modifié en 2014 pour ajouter l’alinéa 228(1)b.1). Selon cet alinéa, la mesure de renvoi appropriée est une mesure d’interdiction de séjour.

Retour à la référence de la note 4

Note 5

Ravandi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 761, para 45-47.

Retour à la référence de la note 5

Note 6

Asile

95 (1) L’asile est la protection conférée à toute personne dès lors que, selon le cas :

a) sur constat qu’elle est, à la suite d’une demande de visa, un réfugié au sens de la Convention ou une personne en situation semblable, elle devient soit un résident permanent au titre du visa, soit un résident temporaire au titre d’un permis de séjour délivré en vue de sa protection;

b) la Commission lui reconnaît la qualité de réfugié au sens de la Convention ou celle de personne à protéger;

c) le ministre accorde la demande de protection, sauf si la personne est visée au paragraphe 112(3).

Conferral of refugee protection

95 (1) Refugee protection is conferred on a person when

(a) the person has been determined to be a Convention refugee or a person in similar circumstances under a visa application and becomes a permanent resident under the visa or a temporary resident under a temporary resident permit for protection reasons;

(b) the Board determines the person to be a Convention refugee or a person in need of protection; or

(c) except in the case of a person described in subsection 112(3), the Minister allows an application for protection.

Retour à la référence de la note 6

Note 7

DORS/2002-227.

Retour à la référence de la note 7

Note 8

Articles 144 et 145 du Règlement. Cette catégorie concerne toute personne qui s’est vu reconnaître la qualité de réfugié au sens de la Convention alors qu’elle se trouvait hors du Canada.

Retour à la référence de la note 8

Note 9

Articles 146 à 151 du Règlement. Cette catégorie concerne toute personne qui a besoin de se réinstaller parce qu’elle se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité ou dans lequel elle avait sa résidence habituelle et qui, en raison d’une guerre civile, d’un conflit armé ou d’une violation massive des droits de la personne dans chacun des pays en cause, a eu et continue d’avoir des conséquences graves et personnelles pour elle.

Retour à la référence de la note 9

Note 10

Article 151.1 du Règlement. Cette catégorie concerne toute personne qui est titulaire d’un permis de séjour temporaire dans certaines circonstances.

Retour à la référence de la note 10

Note 11

Siddiqui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 134.

Retour à la référence de la note 11

Note 12

Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Esfand, 2015 CF 1190 (un appel a été interjeté par le ministre, mais un avis de désistement a été déposé le 1er juin 2016; C.A.F. A-495-15).

Retour à la référence de la note 12

Note 13

Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Gezik, 2015 CF 1268 (un appel a été interjeté par le ministre, mais un avis de désistement a été déposé le 5 mai 2016; C.A.F. A-532-15).

Retour à la référence de la note 13

Note 14

Camayo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 213, para 17-28.

Retour à la référence de la note 14

Note 15

Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Camayo (CAF no A-79-20). La question certifiée se lit ainsi:

Lorsqu'une personne est reconnue comme ayant qualité de réfugié au sens de la Convention ou qualité de personne à protéger du fait qu'elle est inscrite comme personne à charge dans une demande d'asile présentée dans un bureau intérieur et instruite par la Section de la protection des réfugiés [la SPR], mais que la décision de la SPR ne confirme pas que la personne à charge a fait l'objet d'un examen des risques individuel ou personnalisé, cette personne a-t-elle qualité de réfugié au sens de la Convention au titre du paragraphe 95(1) de la LIPR et, par conséquent, peut-elle perdre l'asile au titre du paragraphe 108(2) de la LIPR?

Retour à la référence de la note 15

Note 16

L’appellation légale du ministre est « ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration », mais le titre d’usage selon la politique du Conseil du Trésor est « ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté ».

Retour à la référence de la note 16

Note 17

Toutefois, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a délégué aux agents d’audience de l’Agence des services frontaliers du Canada le pouvoir de présenter une demande de constat de perte de l’asile au titre du paragraphe 108(2) de la LIPR, conformément à l’Instrument de désignation et de délégation du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (1er mai 2018). Lorsque les agents exercent ce pouvoir, ils représentent le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, et non le ministre de la Sécurité publique, dans le cadre de la procédure de constat de perte de l’asile.

Retour à la référence de la note 17

Note 18

DORS/2012-256.

Retour à la référence de la note 18

Note 19

Voir, par exemple, Seid c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1167, para 16 (demande signifiée à la personne protégée au Tchad); Starovic  c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 827 , para 6 -7 (la personne protégée est restée en Serbie et a participé à l'audience par téléphone).

Retour à la référence de la note 19

Note 20

Voir, par exemple, le dossier de la Section de la protection des réfugiés (SPR) no MB3-04124 : X (Re), 2014 CanLII 99249 (13 novembre 2014) et le dossier de la SPR no VB4-00790: X (Re), 2015 CanLII 102735 (3 décembre 2015).

Retour à la référence de la note 20

Note 21

Perez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1171.

Retour à la référence de la note 21

Note 22

Voir, par exemple, Youssef c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration) (C.F. IMM-990-98); Li c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 459, para 42.

Retour à la référence de la note 22

Note 23

Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Barrios, 2020 CF 29.

Retour à la référence de la note 23

Note 24

Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés des Nations Unies, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Genève, janvier 1992, réédité en décembre 2011.

Retour à la référence de la note 24

Note 25

Canada (Sécurité publique et Protection civile)c. Bashir, 2015 CF 51, para 44-47.

Retour à la référence de la note 25

Note 26

Ibid., para 67-68.

Retour à la référence de la note 26

Note 27

Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Gezik, 2015 CF 1268.

Retour à la référence de la note 27

Note 28

Le paragraphe 118 du Guide du HCR établit une distinction entre le fait de se réclamer à nouveau de la protection du pays et le fait de retourner s’établir dans le pays; la première expression s’applique lorsque le réfugié demeure hors du pays dont il a la nationalité, alors que la deuxième expression s’applique lorsque le réfugié est retourné s’établir dans le pays dont il a la nationalité. Une distinction aussi claire ne semble pas avoir été adoptée dans la jurisprudence canadienne.

Dans la décision Seid c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1167, para 16 -18, il a été soutenu que, en vertu du paragraphe 118 du Guide du HCR, le motif de s'être réclamé de nouveau de la protection du pays ne pouvait pas s'appliquer à la personne protégée parce que la demande de constat de perte d'asile lui avait été signifiée au Tchad, son pays de nationalité. La Cour a rejeté cet argument parce que la personne protégée ne vivait pas au Tchad; par conséquent, la Cour n'a pas analysé cet argument sur le fond.

Retour à la référence de la note 28

Note 29

Kuoch c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 979, para 25.

Retour à la référence de la note 29

Note 30

Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Bashir, 2015 CF 51. Voir également la décision Cadena Cabrera c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2012 CF 67 , para 25.

Retour à la référence de la note 30

Note 31

Lu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1060. Dans ce cas, la personne protégée a argué qu'un réfugié se réclame de nouveau de la protection de son pays à partir du moment où il obtient effectivement un passeport, et non au moment où il présente une demande en ce sens, étant donné que ce n'est que lorsqu'il se voit délivrer son passeport qu'il obtient la protection de son pays d'origine. La Cour a statué que cet argument vise à limiter à un seul événement l'analyse de la SPR et est indûment restrictif. Cela a été cité avec approbation dans Chokheli c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 800, para 37.

Retour à la référence de la note 31

Note 32

El Kaissi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1234, para 29.

Retour à la référence de la note 32

Note 33

Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Bashir, 2015 CF 51, para 50.

Retour à la référence de la note 33

Note 34

Canada (Sécurité publique et Protection civile)c. Bashir, 2015 CF 51, para 57.

Retour à la référence de la note 34

Note 35

Mayell c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 139.

Retour à la référence de la note 35

Note 36

Abechkhrishvili c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 313.

Retour à la référence de la note 36

Note 37

Starovic  c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 827.

Retour à la référence de la note 37

Note 38

Camayo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 213, para 37 (Appel pendant, CAF A-79-20).

Retour à la référence de la note 38

Note 39

Cadena Cabrera c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2012 CF 67.

Retour à la référence de la note 39

Note 40

Andrade c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 1007, para 9-15.

Retour à la référence de la note 40

Note 41

Camayo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 213, para 37 (Appel pendant, CAF A-79-20).

Retour à la référence de la note 41

Note 42

Li c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 459, para 37-43.

Retour à la référence de la note 42

Note 43

Cadena Cabrera c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2012 CF 67.

Retour à la référence de la note 43

Note 44

Maqbool c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1146.

Retour à la référence de la note 44

Note 45

Ibid., para 23-30.

Retour à la référence de la note 45

Note 46

Abadi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 29, para 16 et 18. La décision Abadi est citée à l'appui de ce principe dans Norouzi c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 368. La Cour fédérale a certifié une question, et un appel a été interjeté auprès de la Cour d'appel fédérale, mais un avis de désistement a été déposé le 27 juin 2017 (C.A.F. A-159-17). Voir également la décision Seid c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1167, para 20 et Lu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1060, para 60.

Retour à la référence de la note 46

Note 47

Ibid., para 19.

Retour à la référence de la note 47

Note 48

Li c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 459.

Retour à la référence de la note 48

Note 49

Norouzi c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 368.

Retour à la référence de la note 49

Note 50

Tung c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1224.

Retour à la référence de la note 50

Note 51

Jing c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 104.

Retour à la référence de la note 51

Note 52

Sabuncu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 62.

Retour à la référence de la note 52

Note 53

Abechkhrishvili, supra note 29. Abechkhrishvili c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 313.

Retour à la référence de la note 53

Note 54

Ibid., para 23.

Retour à la référence de la note 54

Note 55

Okojie c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1287, para 25-33 suivie dans Chokheli c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 800 , para 32-35 et 67-71. Voir aussi Peiqrishvili c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1205, para 17, où la Cour a déclaré : « Bien que je ne sois pas convaincu que la nature de l'agent de persécution impose une analyse qualitativement différente, je conviens qu'une analyse individualisée était requise et que la source de persécution est pertinente au regard de cette analyse. » Cependant, voir Thapachetri c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 600 où la Cour a infirmé la décision de la SPR parce que cette dernière n'a pas tenu compte de l'argument de la personne protégée selon lequel l'agent de persécution était un acteur non étatique.

Retour à la référence de la note 55

Note 56

Chokheli c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 800.

Retour à la référence de la note 56

Note 57

Al-Habib c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 545.

Retour à la référence de la note 57

Note 58

Camayo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 213(Appel pendant, CAF A-79-20).

Retour à la référence de la note 58

Note 59

Ibid., para 46.

Retour à la référence de la note 59

Note 60

Ibid., para 46.
Les trois questions certifiées sont:

  1. Lorsqu'une personne est reconnue comme ayant qualité de réfugié au sens de la Convention ou qualité de personne à protéger du fait qu'elle est inscrite comme personne à charge dans une demande d'asile présentée dans un bureau intérieur et instruite par la Section de la protection des réfugiés [la SPR], mais que la décision de la SPR ne confirme pas que la personne à charge a fait l'objet d'un examen des risques individuel ou personnalisé, cette personne a-t-elle qualité de réfugié au sens de la Convention au titre du paragraphe 95(1) de la LIPR et, par conséquent, peut-elle perdre l'asile au titre du paragraphe 108(2) de la LIPR?
  2. Dans l'affirmative à la question 1, la preuve du manque de connaissance subjective [ou de simple connaissance] du réfugié quant au fait que l'utilisation d'un passeport confère une protection diplomatique peut-elle être invoquée pour réfuter la présomption selon laquelle un réfugié qui acquiert un passeport délivré par son pays d'origine et voyage muni de celui-ci pour se rendre dans un pays tiers a eu l'intention de se réclamer de la protection de cet État?
  3. Dans l'affirmative à la question 1, la preuve qu'un réfugié a pris des mesures pour se protéger de son agent de persécution [ou de celui du membre de sa famille qui est le demandeur d'asile principal] peut-elle être invoquée pour réfuter la présomption selon laquelle un réfugié qui acquiert [ou renouvelle] un passeport délivré par son pays d'origine et l'utilise pour retourner dans ce pays a eu l'intention de se réclamer de la protection de cet État?

Retour à la référence de la note 60

Note 61

Cerna c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1074.

Retour à la référence de la note 61

Note 62

Mayell c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 139. Des arguments similaires ont été rejetés dans Pereira c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1413. Même si la personne protégée a reçu des conseils lui permettant de se rendre dans son pays de citoyenneté, Singapour, sans compromettre son statut de réfugié ou sa résidence permanente (l'avis était exact au moment où il a été donné en 2010), elle a néanmoins continué à voyager après la modification de la LIPR en 2012 et après avoir été informée par un agent d'immigration canadien qu'elle risquait son statut en se rendant à Singapour. De même, dans l'arrêt Wesh c.Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 304, la Cour a jugé que même si la personne protégée avait été induite en erreur par son avocat lors de la demande de son premier passeport en 2007, cela n'expliquait pas les 11 voyages de retour en Haïti entre 2009 et 2014. Voir également Ligorio c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1401 (lien non-disponible), où la Cour a annulé la décision de la SPR parce que la SPR n'a pas discuté en détail de l'incidence des malentendus créés par les fiches d'information du gouvernement du Canada sur l'intention de la personne protégée.

Retour à la référence de la note 62

Note 63

Canada (Sécurité publique et Protection civile)c. Bashir, 2015 CF 51. Voir également la décision Nsende c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 531, dans laquelle la SPR avait accueilli la demande de constat de perte de l'asile présentée par le ministre. La personne protégée a expliqué qu'elle avait obtenu un passeport congolais dans l'intention de faire des affaires en Thaïlande. La Cour fédérale a annulé la décision, concluant que la SPR n'avait pas précisé pourquoi les explications avancées par la personne protégée ne suffisaient pas.

Retour à la référence de la note 63

Note 64

Din c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 425, para 34-39. Cette décision a été distinguée dans Chokheli c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 800, para 48-54.

Retour à la référence de la note 64

Note 65

Peiqrishvili c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1205, para 18-25.

Retour à la référence de la note 65

Note 66

Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Antoine, 2020 CF 370.

Retour à la référence de la note 66

Note 67

Voir, par exemple, Abadi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 29 (s'est rendu dans deux pays avec un passeport iranien); Maqbool c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1146 (s'est rendu dans quatre pays avec un passeport pakistanais); et Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Nilam, 2015 CF 1154 (s'est rendu dans son pays de nationalité et en Inde). 

Retour à la référence de la note 67

Note 68

Yuan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 923.

Retour à la référence de la note 68

Note 69

Jing c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 104. Voir aussi la décision Abechkhrishvili c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 313, para 26, où la Cour a également distingué l'affaire Yuan car, dans Yuan, la personne protégée se cachait activement mais dans l'affaire Abechkhrishvili, la personne protégée séjournait dans un chalet familial où elle pouvait être facilement localisée.

Retour à la référence de la note 69

Note 70

Lu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1060, para 61.

Retour à la référence de la note 70

Note 71

Maqbool c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1146.

Retour à la référence de la note 71

Note 72

Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Nilam, 2015 CF 1154, para 30-36.

Retour à la référence de la note 72

Note 73

Ibid., para 33.

Retour à la référence de la note 73

Note 74

Din c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 425, para 40-46.

Retour à la référence de la note 74

Note 75

Starovic c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 827.

Retour à la référence de la note 75

Note 76

Khalifa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1181 .

Retour à la référence de la note 76

Note 77

Starovic  c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 827.

Retour à la référence de la note 77

Note 78

Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Zaric, 2015 CF 837. Appel déposé le 12 août 2015 et classé le 12 avril 2016 (dossier de la C.A.F. no A-355-15).

Retour à la référence de la note 78

Note 79

Voir la note 28 à propos de la distinction établie entre le fait de se réclamer à nouveau de la protection et le fait de retourner s’établir dans le pays.

Retour à la référence de la note 79

Note 80

Starovic  c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 827.

Retour à la référence de la note 80

Note 81

Ibid., para 7.

Retour à la référence de la note 81

Note 82

Cadena Cabrera c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2012 CF 67.

Retour à la référence de la note 82

Note 83

Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Al-Obeidi, 2015 CF 1041.

Retour à la référence de la note 83

Note 84

Tung c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1224. Dans Okojie c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1287, para 16-24, la Cour, citant Tung, a également rejeté l'argument selon lequel la SPR avait commis une erreur en accueillant la demande du ministre en vertu de l'alinéa 108(1)a) au lieu de 108 (1)e). Dans cette affaire, la Cour a statué que même si la SPR avait commis une erreur dans son interprétation de l'alinéa 108(1)e), elle n'était pas déterminante ni fatale à la décision, car le résultat resterait le même compte tenu de l'analyse relative à l'alinéa 108(1)a). La SPR a le pouvoir discrétionnaire de fonder sa décision de perte d'asile sur n'importe quelle disposition du paragraphe 108(1) et elle n'est pas tenue d'appliquer celles proposées par le ministre ou la personne protégée.

Retour à la référence de la note 84

Note 85

Lu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1060 suivie dans Chokheli c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 800, para 36-37.

Retour à la référence de la note 85

Note 86

Khalifa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1181.

Retour à la référence de la note 86

Note 87

Ravandi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 761, para 53-55.

Retour à la référence de la note 87

Note 88

Siddiqui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 134, para 27.

Retour à la référence de la note 88

Note 89

Balouch c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 765. Une question a été certifiée dans cette affaire, et un appel a été interjeté auprès de la Cour d'appel fédérale, mais un avis de désistement a été déposé le 2 février 2016 (C.A.F. A-320-15). Dans la décision Abadi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 29, para 20, la Cour a cité la décision Balouch en tirant la même conclusion concernant le risque prospectif. Voir aussi la décision Seid c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1167, para 27.

Retour à la référence de la note 89

Note 90

Yuan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 923, para 17-25. Voir aussi Jing c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 104, para 32-34 et Wesh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 304, para 22-24.

Retour à la référence de la note 90

Note 91

Abadi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 29.

Retour à la référence de la note 91

Note 92

Ibid, para 24.

Retour à la référence de la note 92

Note 93

Seid c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1167, para 23 et 27.

Retour à la référence de la note 93

Note 94

Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Bermudez, 2016 CAF 131.

Retour à la référence de la note 94

Note 95

Voici la réponse de la Cour à la question certifiée suivante :
Question : L’agent de l’ASFC ou l’agent d’audience, qui est le délégué du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, a t il le pouvoir discrétionnaire de tenir compte de facteurs d’ordre humanitaire et de l’intérêt supérieur de l’enfant, pour décider de l’opportunité de présenter une demande de constat de perte de l’asile en vertu du paragraphe 108(2)?
Réponse : Non.

Retour à la référence de la note 95

Note 96

Khalifa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1181.

Retour à la référence de la note 96

Note 97

Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Nilam, 2017 CAF 44, demande d'autorisation d'interjeter appel auprès de la Cour suprême du Canada rejetée : Nilam c. Canada (Citoyenneté et Immigration)  (dossier de la CSC : 37556), 10 août 2017.

Retour à la référence de la note 97

Note 98

Il existe une jurisprudence considérable sur le pouvoir du ministre de suspendre les procédures de citoyenneté en attendant l’issue d’une demande de constat de perte de l’asile. Ce sujet dépasse la portée du présent chapitre; toutefois, dans l’arrêt Nilam, la Cour d’appel fédérale a répondu à la question certifiée suivante :
Question : Le ministre peut il suspendre le traitement d’une demande de citoyenneté, conformément au pouvoir qui lui est conféré par l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté, en attendant les résultats d’une procédure relative à une demande de constat de perte d’asile à l’égard du demandeur, en vertu du paragraphe 108(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés?
Réponse : Oui.

Retour à la référence de la note 98

Note 99

Li c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 459.

Retour à la référence de la note 99

Note 100

Abadi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 29.

Retour à la référence de la note 100

Note 101

Seid c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1167, para 28-32.

Retour à la référence de la note 101

Note 102

Maqbool c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1146, para 11-13.

Retour à la référence de la note 102

Note 103

Yuan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 923. Voir également Peiqrishvili c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1205, para 26 et 27, où la Cour, en obiter, s'est questionnée à savoir si la SPR avait compétence pour examiner la constitutionnalité de l'alinéa 46 (1) c.1)

Retour à la référence de la note 103

Note 104

Norouzi c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 368.

Retour à la référence de la note 104

précédent | table des matières | suivant